L'idéologie du colonialisme se développe dans le milieu du XIXe et jusqu'au début du XXe siècle. La colonisation française est symbolisée par une œuvre civilisatrice, qui cache bien sûr la portée stratégique, le pillage des matières premières, les nouveaux débouchés pour l'industrie, l'assurance d'une ouverture commerciale tournée vers la métropole, la constitution ou l'amélioration des positions militaires et maritimes.
Comment des femmes passées de la domination masculine traditionnelle à la domination coloniale se sont-elles adaptées à la mise en place d'un marché du sexe colonial ? Qu'ont-elles fait pour maintenir un lien fort avec leur société d'origine traditionnelle tout en s'européanisant ? Leur position singulière, comme passerelles entre les "indigènes" et les Européens, permet-elle de dépasser les préjugés que nous avons sur la société coloniale ?
[...] Le Mezouar peut également faire traquer par ses agents les femmes célibataires ou mariées dont la conduite suspecte a attiré son attention. Si leur culpabilité est prouvée, il a le droit de les inscrire, officialisant du même coup leur état. Le Mezouar a donc la fonction de protecteur des prostitués mais également celle de bourreau puisqu'il a le droit de vie ou de mort sur ces femmes soumises. Au Maroc ce sont les pachas et les caïds qui assurent localement le contrôle de la prostitution. [...]
[...] Ces femmes esclaves sexuelles et domestiques sont issues de la misère économique du Maghreb. La vente de proche était une pratique courante des couches nord-africaines les plus pauvres. Des fillettes, des jeunes femmes et même des veuves vendues par des pères, époux, oncles dans le besoin. Dans les couches les moins aisées de la population, ce sont les négresses qui cumulent la fonction domestique et sexuelle. Ces prostitués esclaves de leurs maîtres s'opposent aux courtisanes, prostituées instruites et artistes qui ne vivent pas au harem mais seules et qui vivent d'une prostitution plus occasionnelle. [...]
[...] Ils ont aussi un droit de vie ou de mort sur ces femmes soumises. La prostitution précoloniale et sa réglementation sont donc bien présentes au Maghreb avant l'arrivée des Français. L'un des premiers gestes des colonisateurs fut de réglementer comme ils l'entendent la prostitution. II : L'échec de la réglementation coloniale 1 : Filles soumises : profession prostituée La fin de la conquête militaire installe une gestion raisonnée et productive des espaces et des hommes. Le marché du sexe n'y échappe pas. La similitude avec le réglementarisme de métropole est flagrante. [...]
[...] Les tenancières de maisons peinent à se trouver de nouvelles filles indigènes et passent commande à la métropole. Les établissements de plaisir sont progressivement désertés. Les prostituées isolées occupent une place à part. Elles vivent dans des conditions économiques et morales précaires mais elles ne sont pas soumises comme en maison à un enfermement arbitraire. C'est cet enfermement condamné avec force en France métropolitaine par les féministes qui est insupportable pour les prostitués indigènes L'isolée fait peur, elle est insoumise et dangereuse, elle transmet les maladies. [...]
[...] La carte postale ne créait pas ce mélange mais la met massivement en évidence. Ce ne sont plus des esclaves blanches orientalisées qui peuplent des harems imaginaires, mais des filles soumises européanisées qui remplissent les quartiers réservés du réglementarisme colonial : La prostitution intercommunautaire Pour les Européens avoir une expérience sexuelle avec une femme indigène est un élément fondamental de l'aventure coloniale. La prostitution intercommunautaire est un trait d'union entre les indigènes et les colonisateurs. Pas seulement entre hommes blancs et filles indigènes soumises, mais aussi entre prostituées européennes et musulmanes. [...]
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