« Le bourrage de crâne » est d'abord et avant tout un phénomène spontané. Au début de la guerre, les moindres succès sont amplifiés, l'adversaire est minimisé, la victoire est à portée de main. Mais si la guerre se prolonge, les difficultés s'accroissent et le découragement peut se répandre aussi vite que l'enthousiasme. A l'automne 1914, nombre de quotidiens, d'hebdomadaires, de magazines et de revues renoncent pour toujours à paraître ; et ceux qui subsistent retrouvent devant eux une vieille ennemie : la Censure. Les décrets du 5 août 1914 soumettent de nouveaux textes et dessins « aux regards impitoyables d'Anastasie, la mégère aux grands ciseaux » (Jacques Lethève).
[...] Un officier rapporte que les barbares brûlent moins de maisons, mais qu'ils n'oublient pas de piller les caves, de boire le plus qu'ils peuvent et de briser les bouteilles, d'éventrer les fûts pleins qu'ils ne peuvent emporter. Le Matin du 12 septembre 1914 présente la photographie d'une baïonnette allemande, dont le dos, taillé en dents de scie, doit infliger d'atroces blessures. Ainsi, les journaux font preuve de mauvaise foi et désinforment, plutôt qu'ils n'informent. Voici quelques extraits de journaux très révélateurs du "bourrage de crânes" : "Ma blessure ? [...]
[...] Le soldat allemand n'est, pour autant, pas ménagé. Un diptyque constant oppose ses prétentions si souvent répétées avant la guerre de défendre la "Kultur" et la sauvagerie de ses actions guerrières. A regarder les images des caricaturistes, l'ennemi est non seulement un barbare, voleur et pillard, mais c'est un lâche qui se sauve au premier danger. Là où le texte interdit aurait pu rapporter un fait précis et localisé, l'image généralise. Brutale ou insidieuse, elle joue un rôle actif dans ce que l'opinion, celle du moins qui s'efforce de conserver l'esprit critique, va bientôt appeler le "bourrage de crânes". [...]
[...] En laissant les esprits dans l'ignorance de la gravité de certaines défaites militaires ou de certains échecs diplomatiques, en maintenant le silence sur les horreurs de cette guerre et le nombre de victimes, elle a peut-être aidé les civils à "tenir". On peut prendre l'exemple des différentes réactions des journaux lors de la bataille de la Marne. Le "bourrage de crânes" est à l'honneur dans Le Figaro du mercredi 9 septembre 1914 même si le communiqué officiel demeure relativement prudent : "La cavalerie a été active et audacieuse . [...]
[...] Elle aide à comprendre en rendant visible à toutes les raisons plus ou moins bien définies pour lesquelles on fait la guerre. Cette propagande à usage interne cherche même parfois à s'exercer sur l'ennemi. Ainsi, l'image de Forain évoquant l'échec répété des Allemands devant Verdun, d'abord publiée dans Le Figaro du 22 mai 1916 sous le titre de "La Borne", est tirée à des milliers d'exemplaires et lancée par avion sur les tranchées allemandes. Les journaux, en général, ont servi la propagande par leurs caricatures ou leurs articles raillant l'ennemi et glorifiant les Français au combat. [...]
[...] "Pour moi, l'armée allemande est désormais inopérante" (Journal février 1915). "Les cadavres boches sentent plus mauvais que ceux des Français" (Le Matin juillet 1915). "Les Allemands tirent fort mal et fort bien ; quant aux obus, ils n'éclatent pas dans la proportion de 80 (Journal août 1914). "Leur artillerie lourde est comme eux, elle n'est que bluff" (Le Matin, "Lettre du Front" septembre 1914). Certains journaux adoptent néanmoins une attitude un peu plus engagée. Le Canard enchaîné va en quelque sorte à l'encontre de la propagande : les stratèges de l'arrière, les profiteurs qui redoutent une fin trop rapide de la guerre, les embusqués n'ont pas grâce devant une équipe menée d'abord par Gassier et Lucien Laforge. [...]
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