Les « échecs de l'encerclement » ou encore le jeu de go constituent un jeu de stratégie typiquement asiatique dont on connaît la faveur chez les généraux chinois. « La préparation de l'action stratégique dès le temps de paix ; l'objectif primordial de contrôle d'une sphère d'influence ; l'action développée de la périphérie vers le centre ou encore, lors de l'affrontement : la déconnexion, l'encerclement puis l'anéantissement sont autant de points communs au jeu et à la stratégie Extrême Orientale » .
Cette doctrine fut particulièrement adoptée en Chine dès les débuts de la guerre civile en 1927. Précédemment rallié au gouvernement Chinois du Guomindang afin de créer un front communiste et nationaliste unitaire en Chine, Mao prend dès 1925 le contre-pied de la ligne dirigeante du Parti. Il renoue alors avec la tradition des grandes révoltes en favorisant l'apparition des premières unions paysannes dans le Hunan. Par là, il tente d'affirmer le rôle de la paysannerie dans ce qu'il veut mener : la lutte révolutionnaire pour la mise en place d'une République populaire de Chine. Les fortes dissensions qu'il entretient avec le nouveau chef du Guomindang l'obligent alors à se réfugier dès septembre 1927 dans les montagnes qui désormais sont le principal théâtre d'opération où s'arment les premiers paysans. Jusqu'en 1934, la première armée révolutionnaire et paysanne réussit ainsi à fuir le gouvernement nationaliste et ses armées qui plus nombreuses et mieux armées les harcèlent : s'effectue alors la Longue Marche en direction du nord-est afin de briser l'encerclement de l'ennemi. Ainsi, dès 1935-1936, se mettent en place des bases dans le Yen-An : l'Armée Rouge irrégulière se constitue progressivement. Se tenait alors tout le génie de Mao : il mettait en application la stratégie décrite par le jeu de go, tant en paroles pour l'enseignement des cadres de l'Armée Populaire qu'en actes pour créer la Chine Populaire. Le léninisme lui fournissait une solution que constituait l'innovation politique du parti d'avant garde qui mobilisait politiquement et encadrait militairement. Mao innovait encore plus dans la mesure où il employait la stratégie de go avec plusieurs « joueurs » : là où l'orthodoxie stalinienne reconnaissait le rôle fondamental du prolétariat industriel et urbain, Mao voulait « encercler les villes par les campagnes » : il greffait cette théorie sur la paysannerie.
L'ouvrage Problèmes Stratégiques de la guerre révolutionnaire en Chine de Mao est publié en 1936 et fut certainement rédigé au cours de la période où l'armée révolutionnaire avait fait face à de multiples défaites. Ainsi, Mao avait pu analyser les problèmes opérationnels et tactiques liés à la guérilla révolutionnaire ; il propose alors une doctrine stratégique adaptée. Plus particulièrement, l'extrait étudié trait de la phase d'affrontement que constitue dans la doctrine du stratège, l'action d'anéantissement. Mao en vante les mérites et nous présente les conditions nécessaires et favorables à sa réussite. Il nous permet alors d'analyser les spécificités de la guerre révolutionnaire chinoise et surtout, nous montre en quoi sa doctrine stratégique caractérisée par la mobilité, l'impétuosité et l'initiative constitue la clé de la résolution des différents problèmes stratégiques liés à la guerre révolutionnaire. Nous verrons que les opérations d'anéantissement sont des actions adaptées aux problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire (I) et que le refus de la passivité s'impose comme condition nécessaire à la mise en place de telles opérations (II).
[...] Sur ces territoires de bases révolutionnaires c'est toute une population qui participait activement au développement de l'Armée et à sa consolidation, c'était aussi toute une population qui entrait dans le système mis en place par Mao et qui adhérait à ses idées politiques. Plus que des lieux de repos, ces bases constituaient également de forts lieux de propagande. Une plus large partie de la population, en s'impliquant dans l'industrie de la guerre révolutionnaire, se ralliait à l'idéologie politique du PCC. [...]
[...] Nous nous retirons ; l'ennemi campe ? Nous le dérangeons ; l'ennemi est fatigué ? Nous l'attaquons ; l'ennemi se replie ? Nous le poursuivons Ces différents éléments faisaient donc bien de l'armée rouge une armée de partisan et l'action d'anéantissement lui permettait ainsi de poursuivre deux objectifs principaux : sa survie et l'affaiblissement de l'adversaire B. Le dualisme des opérations d'anéantissement : l'affaiblissement de l'ennemi allié au renforcement de l'Armée rouge La guerre révolutionnaire nécessitait une véritable mobilité pour qu'elle puisse réussir. [...]
[...] Il s'agissait de mettre au maximum à profit les avantages dont pouvait disposer l'Armée partisane. E n observant et analysant les différents problèmes de l'Armée Rouge irrégulière de 1927 à 1934, Mao avait pu mettre sur pied une doctrine stratégique efficace adaptée à la guerre révolutionnaire. Rédigé en 1936, cet écrit préparait alors la Chine à affronter son ennemi principal. En 1937, lors de l'invasion japonaise, Mao renouvela l'expérience de la stratégie mêlant plusieurs joueurs. En effet, la lutte contre l'occident lui permit de faire coexister unités irrégulières : celle des paysans et unités régulières : celles du Guomindang dans le cadre d'un affrontement classique : la lutte d'un mouvement de libération national combattant une puissance coloniale, un agresseur ou un occupant étranger. [...]
[...] Et s'obstiner à combattre lorsqu'on ne peut vaincre est de l'aventurisme Cette pensée avait ainsi permis à Raymond Aron de définir la guérilla : elle permet d'atteindre la victoire dans les situations où pour gagner il suffit de ne pas perdre Il s'agissait d'éviter à tout pris la défaite, même si cela contraignait seulement l'adversaire à la fuite et surtout l'usure où les pertes étaient supérieures aux gains. On peut alors comprendre pourquoi souvent les guérillas se traduisent par des conflits interminables comme nous l'ont montré les cas du Sud Soudan ou des Kurdes. La situation difficile de l'Armée Rouge par rapport à l'Armée du Guomindang avait pu être transcendée par une stratégie adaptée et bien pensée de Mao. [...]
[...] Avait-il commis de grosses erreurs ? Se dirigeait-il vers une position avantageuse pour l'Armée rouge ? La retraite stratégique caractérisée par un arrière profond et une centralisation du commandement était donc entièrement orientée vers le passage à l'offensive. Ces conditions rassemblées, l'Armée rouge pouvait alors opérer avec un risque minimum de défaite. Le nombre et la mobilité pour la réussite de l'offensive Mao souligne que les actions d'anéantissement, d'une part, la concentration des forces supérieures en nombre et la tactique des encerclements et des mouvements tournant, de l'autre, forment un tout unique ; les premières sont impossibles sans les secondes Lorsque la retraite stratégique avait pu être favorable à la mise en place d'une offensive, Mao nous expliquait par quels moyens opérationnels, celle-ci ou plus précisément l'action d'anéantissement en question pouvait aboutir. [...]
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