Dans son Histoire politique et littéraire de la presse française, Eugène Hatin parle ainsi de liberté de la presse : « l'opinion publique la réclame, et en fait une condition absolue de son adhésion ; ceux qui se disputent le trône l'offrent d'ailleurs spontanément […], le pouvoir qui tombe s'y cramponne comme à une branche de salut ; le pouvoir qui monte l'arbore comme un drapeau […] » .
De fait, alors que de nos jours, la presse semble être une banalité et sa liberté un droit acquis, au XIXe siècle, la liberté de la presse fait figure d'argument politique. Bien que consacrée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (art. 11), dans les faits, elle est souvent bafouée et remise en question par les gouvernements successifs, alors que c'est, paradoxalement, à cette époque qu'elle commence à avoir une importance notable.
On peut ainsi se demander quel est le degré d'influence de la presse pendant la Restauration et la Monarchie de Juillet. Soumise régulièrement à la censure, dispose-t-elle d'un véritable rôle, politique notamment ?
En fait, l'influence limitée de la presse sous la Restauration et la Monarchie de Juillet laisse bientôt place à une presse plus conséquente, qui peut être considérée comme les prémices de la presse moderne.
[...] D'autres inventions viennent faciliter sa diffusion et sa popularisation : apparition de la presse illustrée essor de la caricature (cf Daumier, Philipon dans la Charivari ou Caricature) avènement de la presse bon marché, jusque-là produit de luxe : apparition de l'annonce en 1836 qui diminue le prix ce vente (sur idée d'Émile de Girardin et de Dutacq cf leur journal à 40F pour attirer public : apparition de romans feuilletons vers 1840 avec la collaboration d'écrivains comme Balzac, Georges Sand, Dumas, Eugène Sue effets spectaculaires : en 1836 : abonnés, en 1846 : près de + explosion du nombre de journaux (voir tableau annexe) conquête des masses une plus grande portée : parachève l'éducation politique, constitutionnelle et civique de la population La presse commence à avoir une envergure politique réelle On l'a vu, les libertés de la presse ont été malmenées sous la Restauration. La Monarchie de Juillet marque un tournant décisif pour le rôle de la presse. [...]
[...] Avec celui-ci, on assiste en effet à une progressive libéralisation de la presse (1814-1816). Mais les ultras-royalistes, qui sont majoritaires à la Chambre, orientent la politique plus sévèrement. Les libéraux, de retour au pouvoir après les ultras, votent des lois de presse plus libérales comme la loi de Serre de 1819 (voir annexe). Mais avec le ministère Villèle qui leur succède, le régime opère encore un nouveau virage. Les ultras au pouvoir durcissent le régime de presse (1820-1828) ; la censure est rétablie le 30 mars 1820, l'autorisation préalable en 1822. [...]
[...] On peut même voir des caricatures de Louis XVIII (voir annexe), notamment dans le journal la Révolution, ce qui lui vaudra un procès. La presse devient peu à peu le vecteur des idées des parlementaires et permet leur diffusion et leur contagion. On voit donc ici la naissance de la presse en tant qu'arme politique C'est en effet sous la Restauration, par le jeu entre parlementaires et journaux, que découvre le pouvoir de la presse sur l'opinion publique et plus particulièrement sur le pays légal constitué par les élus. [...]
[...] C'est en effet sous l'impulsion des journaux comme le National, qui, à la proclamation des 4 ordonnances, parues dans Le Moniteur Universel (journal officiel du gouvernement), multiplie harangues et discours publics, ameute le peuple et le pousse à la Révolution. Le rôle crucial joué par les journaux dans le déclenchement des événements n'est que le début du rôle politique que vont désormais avoir les journaux, notamment et essentiellement dans l'opposition. La censure est en effet abolie par une ordonnance de 1815, ce dont profite les ennemis du nouveau gouvernement : l'opposition des légitimistes et des républicains peut dorénavant pleinement s'exprimer. [...]
[...] Ainsi, d'après le Censeur, c'est le cas par exemple de la Gazette de France, qui, après avoir adressé force injures à l'usurpateur, beaucoup loué le souverain légitime remonté sur le trône de ses ancêtres, vanté la fidélité des chouans et détestés les crimes des jacobins, quand ces matières ont été épuisées, est retombée dans sa nullité première Le paysage de la presse correspond alors à la carte politique du moment : journaux ultraroyalistes contre journaux républicains, tous journaux d'opposition, cherchant tous à renverser la Restauration pour s'approprier le pouvoir Contournement de la censure Comme nous l'avons vu, les journaux sous la Restauration sont soumis à une forte censure, c'est-à-dire que l'on fait en sorte de les empêcher de dire ce qu'on ne voulait pas qu'on sût et de leur faire dire ce qu'on avait besoin de faire savoir (Hatin). Mais s'il est vrai qu'il est aisé pour le gouvernement de faire taire les journaux, il lui est plus difficile en revanche de les obliger à l'appuyer. [...]
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