Même si on l'étudie peu en droit constitutionnel ou parlementaire, le président du Sénat est un acteur privilégié de la vie politique. En fait, il semble que l'on en soit resté à une logique post-révolutionnaire où l'on se méfie de toute personnalisation excessive du pouvoir que peuvent représenter les présidents d'assemblée.
Intrinsèquement le Sénat a vocation à assurer la conservation de la République : comme le disait Montesquieu, « le Sénat sert de garde-fou pour éviter ou limiter le règne de l'arbitraire ». Pourtant le bicaméralisme ne naitra en France qu'à l'an III alors que sous l'Empire le Sénat deviendra le serviteur de Bonaparte, de même sous le Second Empire ; sous la période monarchique (1815-1848), la fonction de président du Sénat commencera à être façonnée par les titulaires de la fonction. C'est à cette époque que le président de la chambre des paris commence à apparaître tel un organe au-dessus des contingences partisanes. Il dispose en plus d'une attribution importante alors que s'enracinent les usages et mécanismes inhérents au régime parlementaire : il entretient les communications de son assemblée avec les autres organes constitutionnels. Impartialité et neutralité sont érigées en une obligation que les différents titulaires de la fonction vont s'évertuer à respecter à partir de 1870.
Avec la présidence de Pasquier va naitre et s'enraciner une présidence indépendante de l'exécutif. Durant la période transitoire de 1870-1875, la présidence de l'Assemblée nationale va demeurer un symbole de neutralité et de non-engagement partisan. Selon René Cassin, « il y a une conception de la présidence dans le Parlement français qui n'est pas celle de tous les pays étrangers (…) chez nous, le président est le monsieur qui monte en séance et dirige les débats ».
En fait, la présidence d'assemblée serait une fonction prestigieuse au rôle effectif incertain. Le président du Sénat doit en effet vaincre un double scepticisme : celui inhérent à sa mission parfois jugée peu valorisante, celui relatif à la qualité de président d'une seconde chambre qui fait l'objet de contestations traditionnelles. Mais selon Joseph Barthélémy, « les présidents de nos assemblées sont de grands personnages dans l'état ». Ripert lui déclare que « la présidence des assemblées politiques confère aux hommes qui en sont investis de nombreuses et importantes prérogatives et une autorité morale qui est faite à la fois du respect inspiré par la fonction et de la considération accordée au mérite des titulaires ». Le président est l'un des personnages politiques importants de la République.
A travers la valorisation de la fonction présidentielle, les auteurs louent le régime parlementaire en lui-même. Mais la quatrième république va traduire un effacement de la seconde chambre et un affaiblissement corrélatif de celui qui la dirige. Et depuis 1958, la présidence des assemblées est regardée avec une certaine condescendance. Le président du Sénat, tout comme son assemblée, est victime de la rationalisation du parlementarisme et de la sacralisation de l'exécutif. Cependant, il est inexact de conclure à la faible valorisation et au déclin de la fonction présidentielle, mais il est possible de démontrer la permanence de l'influence présidentielle et sa spécificité. Investi d'une mission spécifique – légitimer le Sénat – le premier des sénateurs se fait aussi le défenseur du bicaméralisme et le héraut des collectivités locales en tant que président du « grand Conseil des communes françaises ».
[...] Il propose ainsi des innovations institutionnelles qui ne manquent pas d'audace. Si le bicaméralisme constitue toujours une pierre angulaire du régime parlementaire, une modification du recrutement de la seconde chambre s'impose selon lui. Ainsi, il faut que soient pris en compte les besoins nouveaux de l'époque et l'élargissement de la matière législative à des domaines économique, social et international. Jeanneney n'est pas seulement partisan d'un bicaméralisme rénové ; il milite aussi pour un renforcement du pouvoir exécutif. La pensée constitutionnelle de De Gaulle se forge partiellement à l'aune des idées dégagées par Jeanneney qui met en exergue nombre de thèmes retenus par les constituants de 1958. [...]
[...] Pasquier participa activement à l'élaboration des lois constitutionnelles dans l'espoir d'un rétablissement monarchique. Pragmatique, il se résout à une constitution monarchique d'attente afin de sortir la France d'un régime provisoire qui n'a que trop perduré. Il se prononce donc en faveur de l'amendement Wallon qui en transformant le septennat personnel de Mac-Mahon en septennat impersonnel transforme le régime. Craignant les débordements d'une assemblée révolutionnaire, il se montre fort méfiant envers une chambre unique et le suffrage universel. Ainsi se comprend son acharnement à créer une assemblée dont les membres sont élus au suffrage restreint et composé de notables issus de cette France rurale supposée conservatrice. [...]
[...] Le sénat a toujours été perçu comme un seul organe constitutionnel capable de résister aux impulsions d'un jour de l'opinion publique. Cette faible soumission aux pressions électorales confère au sénat une latitude d'action supplémentaire qu'il doit utiliser pour augmenter son influence au sein du système institutionnel. Dans l'optique présidentielle, le sénat devient une force de proposition eu égard à la protection que représente le système triennal. Le mode d'élection des sénateurs est contesté dès le début de la troisième république. [...]
[...] D'ailleurs Monory déclarera : le rôle du président du Sénat n'est pas un rôle de combattant politique. Le président du Sénat a pour mission principale de veiller à l'application stricte de la constitution Les présidents du Sénat se caractérisent en principe par leur disposition à s'affranchir du jeu politique partisan pour diriger cette assemblée sans se transformer en chef de parti. Cette question de l'impartialité supposée du président est un élément fondamental car elle explique en grande partie la longévité des titulaires, capables d'être réélus à de multiples reprises. [...]
[...] Mais selon Poher, l'initiative parlementaire des lois revêt un caractère illusoire Les présidents de la seconde chambre soulignent chaque année les déplorables conditions dans lesquelles travaillent les assemblées : le Parlement n'est alors plus à même de jouer son rôle essentiel qui est avant tout de bien faire les lois. La difficile réélection de Poher en 1989 le conduit, sous la pression de ses pairs, à rénover certains aspects des conditions de travail de l'institution sénatoriale. Il invite les présidents des groupes parlementaires à lui faire connaître leurs réflexions. Le 14 mars 1990 une synthèse relative à la réforme du fonctionnement du Sénat est rendue publique. [...]
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