« Colonies (nos) : s'attrister quand on en parle », déclare Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues, ouvrage posthume rédigé entre 1850 et 1880. Ce faisant, il se fait probablement le porte-parole d'une attitude majoritaire à la fin du Second empire. La France qui, en 1763, a perdu l'essentiel des territoires du « Premier Empire » colonial, en reconquiert un second après 1830, avançant essentiellement ses pions en Afrique et en Indochine. Sur les ruines d'un Second Empire encore assez hésitant sur le plan colonial, oscillant entre audaces et remords, la Troisième république, proclamée en 1870, s'apprête à renforcer un Empire colonial qui, à cette date, représente environ 1 million de km², espace déjà considérable qui s'accroit encore remarquablement dans les décennies suivantes. Parallèlement à leur extension, les colonies (prises dans un sens large : territoire occupé et dépendant, en incluant les protectorats et cas particulier de l'Algérie) occupent une place grandissante dans la politique française et émergent progressivement comme un enjeu majeur, ce qui n'est pas sans soulever maintes tensions : dès ses débuts, le phénomène colonial s'avère être un volet de la politique française plus ou moins sujet à polémique. Revendiquées ou contestées, elles mettent aux prises des forces politiques variées, aux idéologies et ambitions singulières ; elles sont ainsi les fruits de divers intérêts, éminemment variables selon les époques et les contextes, et rencontrent différentes formes d'oppositions, et ce jusqu'en 1958, à la chute de la IVe République, en pleine guerre d'Algérie. Aussi convient-il de s'interroger sur la place des colonies dans la politique française, sur les ressorts des débats ou des consensus qu'elles suscitent ainsi que sur leurs conséquences politiques, tout en analysant les modalités de la politique coloniale et son évolution (...)
[...] Tout d'abord, la Seconde Guerre mondiale accélère la crise en germe et constitue un tournant fondamental pour l'évolution et la prise en compte de la question coloniale. Comme pendant la 1ère GM, le rôle de l'Empire est largement exalté (par les hommes de Vichy comme par la France libre), tant il a constitué un enjeu de taille : le discours de De Gaulle, le 18 juin 1840, en témoigne : la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. (et de fait, De Gaulle reçoit l'appui de certaines colonies.). [...]
[...] Parallèlement, les anticoloniaux à savoir, à cette époque, essentiellement les radicaux, la droite, les conservateurs - démontent le système d'argumentation ternaire cher aux opportunistes. Clemenceau doute de l'existence de races supérieures et de races inferieures tandis que d'autres dénoncent le gouffre financier et l'aspect par trop aventureux de ces entreprises lointaines (les conservateurs dénoncent la politique de Jules Verne des républicains) qui gaspillent l'or et le sang de la France selon F. Passy, et qui ne profitent de surcroit qu'à une minorité. [...]
[...] C'est pourtant le drame algérien qui constitue le point d'achoppement par excellence de la politique française. Fleuron de l'empire colonial, l'Algérie est une sorte de cas limite, en vertu de son statut singulier : faisant constitutionnellement partie intégrante du territoire français, elle présente de surcroit la population coloniale la plus importante million). Lorsque la guerre éclate, en 1954, la majorité des milieux politiques refuse la décolonisation d'une Algérie. Cependant, les politiques s'avèrent trop faibles, toutes déchirées qu'elles sont par des luttes partisanes très vives. [...]
[...] Le statut de l'Algerie de 1947 met sur pied une assemblée algérienne et octroie le droit de vote aux 9 millions d'algériens non-européens pour y élire un certain ombre de representants. Cependant, les maigres reformes sont trop tardives et apparaissent de surcroit comme des pis-aller ; la priorité des gouvernants est toujours avant tout de maintenir la souveraineté française. Alors que le gouvernement a longtemps opté pour une logique d'assimilation, jamais les peuples colonisés n'ont bénéficié de droits égaux, d'où un profond sentiment d'injustice face à une politique manifestement de plus en plus en contradiction avec ses propres principes : ceux du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. [...]
[...] Des années 1910 aux années 1940, il semble bien que la politique française soit donc en décalage croissant avec les attentes et les ambitions des peuples colonisés. Dès avant la Première guerre mondiale, des mouvements de révolte signes de fissures dans les tâches roses - n'entament pas, ou peu, l'optimisme général d'une classe politique massivement ralliée à l'idée coloniale. Pourtant, une certaine agitation se fait sentir, notamment chez les élites locales occidentalisées, avec, notamment, le mouvement des Jeunes Algériens ou des Jeunes marocains ; en Tunisie, des élites réclament la participation à la gestion de leur pays. [...]
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