La littérature est une matière qui s'attache entre autre à essayer de comprendre le mystère de l'écriture, et notamment de la création poétique. Dès lors plusieurs visions de cette entreprise littéraire peuvent s'opposer, surtout quant à la motivation du poète quand il prend sa plume. Ainsi Baudelaire critique « l'hérésie de l'enseignement », liée à celles « de la passion, de la vérité et de la morale ». Selon lui, certains « se figurent que le but de la poésie est un enseignement quelconque » alors que pour lui celle-ci « na pas d'autre but qu'Elle-même ». De plus il déclare qu' « aucun poème ne sera si […] véritablement digne du nom de poème que celui qui aura été écrit uniquement pour le plaisir d'écrire un poème ». Donc pour lui, « si le poète a poursuivi un but moral, il a diminué sa force poétique », même si le résultat final de la poésie est bien « d'élever l'homme au dessus du niveau des intérêts vulgaires ». Pour résumer sa thèse, « l'humeur démonstrative repousse les diamants et les fleurs de la Muse ; elle est donc exactement l'inverse de l'humeur poétique ».
Comment comprendre cette vision qu'a Baudelaire de l'acte de création poétique, et celle-ci ne peut-elle être remise en cause ? En fait, l'art poétique peut-il être réduit à une simple volonté de l'artiste ou bien son essence se trouve t-elle dans une sphère où les thèses poétiques peuvent se réunifier ?
Il nous faut tout d'abord expliciter la pensée de Baudelaire, en comprenant sa quête de l'art pour l'art et son refus de l'action en poésie. Puis cela nous mènera à essayer de remettre en cause au moins en partie son point de vue en abordant les courants poétiques qui au contraire ont prôné une poésie engagée, de l'action, où le poète répond à d'autres motivations que le simple plaisir d'écrire. Au final nous pourrons donc tenter de comprendre l'art poétique en tant que rapport entre un artiste et un lecteur, en ce que la multiplicité des sens possibles d'un poème – voulus ou non - ne l'amoindrissent pas mais au contraire forment en partie l'essence de sa qualité littéraire.
[...] Et justement il semble bien que la référence au lecteur soit constante dans une analyse de l'écriture poétique. Cela est logique, on écrit toujours pour être lu, et la poésie, c'est un poète plus un lecteur. Dès lors on peut se demander en quoi la poésie peut réconcilier deux conceptions de la création poétique apparemment contradictoires autour d'une vision plus large de la poésie qui prend en compte la réception du lecteur. On peut tout d'abord souligner la grande diversité contemporaine des modes de créations poétiques. [...]
[...] Comme la poésie n'a pas la vérité pour objet elle n'a pas à être le fruit d'une telle quête du poète. Enfin on peut évoquer son refus également d'un Lamartine qui à partir de l'individualisme sentimental aboutit à un humanitarisme collectif, d'où il croit tirer le pouvoir de s'adresser au monde, avec une proximité troublante, comme dans les Harmonies poétiques et religieuses : Terre, exhale ton souffle ! Homme, élève ton âme ! Donc Baudelaire en écrivant sa conception de la création poétique s'oppose de fait à ce mouvement qui lui est contemporain et qui pousse certains poètes à se croire investis d'une mission, en risquant d'amoindrir leur force poétique selon lui. [...]
[...] Mais peu après l'Ecole de Rochefort se tient plus éloignée de l'action et veut une poésie simple, humaine, proche de la nature. Ainsi René Guy Cadou souhaite retrouver des rêves quotidiens et mesurés. En fait, on peut se demander s'il n'y a pas à l'heure actuelle un éclatement entre des recherches assez techniques sur le langage (Queneau), l'immédiateté des objets (Ponge), la vie intérieure (P.J.Jouve) et des poèmes plus engagés comme ceux du groupe Action poétique ou de Guillevic, sans méconnaître les grandes fresques épiques d'un Saint-John Perse par exemple. [...]
[...] Science et morale ne font pas seules la poésie mais y participent néanmoins, ne serait-ce que par le fait que la poésie, encore plus chez Baudelaire, est en grande partie faite de symboles et que la compréhension de ceux-ci nécessaire à l'échange entre poète et lecteur nécessite certaines connaissances et logiques communes, au-delà du simple point commun d'être des hommes. Bibliographie Baudelaire, Spleen et Idéal et Les fleurs du mal. Hugo, Les châtiments et La légende des siècles. Vigny, Les destinée. Lamartine, Harmonies poétiques et religieuses. Gautier, Mademoiselle de Maupin et Emaux et camées. [...]
[...] On se doit donc d'aborder la question du lecteur, qui par son activité tend à enrichir l'œuvre d'une multiplicité de sens. Celle-ci est déjà amplifiée de fait par la diversité des approches de l'écriture littéraire, et devient donc en quelque sorte la garantie d'une non univocité du texte, ce qui est essentiel à la poésie. Par exemple Hugo, dans Les chants du crépuscule, certes aborde ouvertement des thèmes liés aux troubles politiques de son époque, mais ceux-ci peuvent être reliés de façon métaphorique aux troubles qu'il rencontre dans son œuvre de poète. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture