Le secours des pauvres est depuis toujours un souci pour l'individu comme pour la collectivité, il répond à des motifs de l'ordre du devoir religieux, moral ou civique. En Grande-Bretagne au XIXe siècle, l'industrialisation rapide accroît la visibilité d'une pauvreté qui à la fois émeut et fait peur, qui en tous cas pose problème et exige de l'action. Dès le début, cette pauvreté est comprise comme pauvreté à la fois du corps et de l'esprit. Elle s'inscrit dans un contexte économique qui fait naître une classe ouvrière soumise à la précarité matérielle, et dans un processus socio-culturel de détachement religieux de ces classes. Comment donc la société, et plus précisément la philanthropie victorienne prend-elle en compte le corps et l'esprit des individus ? Le fait que, dans le domaine philanthropique, les considérations scientifiques se substituent progressivement aux considérations religieuses n'entraîne-t-il pas un transfert d'intérêt de l'esprit vers le corps ? Comment comprendre cette évolution ? [...]
[...] Mais si le but est bien celui d'une conversion spirituelle, d'une réformation morale, l'accent est mis beaucoup plus sur l'expression physique de la foi (émotion intérieure et pratique de la vie chrétienne) que sur l'expression intellectuelle de la foi. Ainsi les traditions méthodistes primitives telles que le chant, les expériences de fusion collective censées stimuler l'émotion religieuse (appels à la conversion, témoignages) sont mises à l'honneur. Le projet mis en place par le général Booth connaît rapidement un succès important. [...]
[...] Ainsi la philanthropie n'est pas le but des activités de l'Armée. Ses activités résultent simplement de la conviction que, pour présenter l'Evangile à des gens dépourvus de tout, il faut d'abord leur assurer le confort minimal d'une bonne nourriture et d'une bonne douche. Il s'agit en réalité de préparer un terrain favorable à l'évangélisation. Cet aspect de l'activité salutiste la relie, au-delà de ses origines méthodistes, à un l'ensemble des œuvres de relèvement social et de prosélytisme caractéristiques de l'Angleterre victorienne. [...]
[...] Pratiques charitables et prosélytisme : Pour sauver les âmes, il s'agit de procurer aux pauvres les conditions nécessaires à leur conversion, c'est-à-dire à la fois lutter contre le vice et lui enseigner les préceptes de la religion. Les sociétés charitables s'efforcent donc d'instituer les règles d'une morale rigoureuse qui éloigneront les pauvres des mauvaises tentations, et proposent en même temps le seul remède préventif possible : l'enseignement biblique et la pratique religieuse d'où, entre autres, le combat pour un strict respect du dimanche. [...]
[...] En effet, la croyance profonde dans les récits bibliques commandaient la représentation d'une survie de l'âme après la mort, dans un contexte soit paradisiaque soit infernal. Sauver les âmes, c'était proposer à des corps maltraités sur terre l'assurance d'un sort meilleur dans l'au-delà, d'un paradis pour des âmes libérées des contraintes et tourments corporels (car il faut le rappeler la vision de l'enfer, ou du purgatoire pour les catholiques, était celle d'un espace de souffrances physiques, le corps étant soumis aux feux de l'enfer). [...]
[...] L'étude de terrain est ainsi privilégiée. De même que pour une pratique améliorée de la charité le COS préconisait la visite à domicile comme seul moyen d'enquêter véritablement sur les cas toujours particuliers à traiter, le terrain apparaît désormais comme le lieu d'élaboration de la connaissance véritable, scientifique. Les enquêtes sociales se multiplient sur ces nouvelles bases. Les descriptions de la misère humaine que l'on trouve notamment dans la littérature du milieu du dix-neuvième siècle font place à des études sérieuses, menées par des enquêteurs qui quadrillent le terrain, dressent des listes, des tableaux, établissent des statistiques de plus en plus précises. [...]
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