La période de la NEP marque-t-elle une pause, un retour en arrière ou une étape dans la construction du communisme soviétique de l’Entre-deux-Guerre ?

Résumé du document

En Russie, la fin de la Première Guerre Mondiale est conclue en catastrophe par Lénine au désastreux traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918). La fin des combats n'augure pourtant pas une ère de calme pour les Russes. Le passage au communisme se fait non sans heurts, politiquement comme économiquement. Pour sortir le pays du marasme dans lequel il végète depuis l'essor de l'industrialisation en Europe occidentale et aux Etats-Unis, marasme aggravé par la coûteuse Première Guerre Mondiale, Lénine se doit de trouver une solution. En 1921, il met en place, sur le territoire de Russie, amputé par les Alliés du « cordon sanitaire » cher à Wilson (États baltes, Pologne, Ukraine, Roumanie agrandie), une Nouvelle Politique Économique (NEP) qui desserre sensiblement l'étau de l'État sur l'économie, s'éloignant des idéaux bolcheviques. Ce système est brutalement abandonné par Staline, pour un retour à une rigoureuse économie socialiste, avec la planification de 1928, qui annonce la collectivisation. Que représente la NEP dans la construction du communisme de l'Entre-deux-Guerres ? Nous tâcherons de répondre à cette question en trois temps : en voyant d'abord en quoi la NEP peut apparaître comme une étape nécessaire, puis en quoi elle prépare le terrain au communisme et consolide même le pouvoir bolchevique.

Extraits

[...] On croirait que la période de la NEP était d'ores et déjà prévue pour transgresser les théories communistes, sous le prétexte de mieux les relancer ensuite. La NEP a pour objectif d'industrialiser le pays afin d'accélérer l'indépendance de la Russie vis-à-vis du système capitaliste. La Première Guerre Mondiale avait révélé la faiblesse de la cinquième puissance industrielle, dépendante de l'étranger (notamment les emprunts russes en France). La sécheresse de 1921 avait même abaissé la Russie à recevoir les aumônes des États-Unis (pourtant l'ennemi capitaliste par excellence). [...]

[...] La Russie révolutionnaire refuse de payer les dettes du Tsar ou de se mêler du conflit. Cet abandon liguera contre elle ses anciens alliés. Ainsi, dès 1919, la Russie s'est elle-même trouvée aux prises avec l'Angleterre, la France, le Japon et la Pologne, qui soutient les Blancs, dans une vaste guerre qui l'épuise encore. En 1920, la paix à peu près revenue, le pays est ruiné. Le rouble vaut fois moins qu'en 1913, l'État n'a pas d'argent, les cadres ont fui. [...]

[...] La première expérience de régime communiste montre les différences qui existent entre théorie et pratique. On retrouve dans la NEP les premières traces du marxisme-léninisme. Le fort dirigisme économique, la répression politique dont Staline use avec la même vigueur pour la collectivisation, prouvent que la NEP est une illustration parfaite de ce que fut le communisme soviétique. [...]

[...] Chez les paysans, la révolte gronde contre les réquisitions du communisme de guerre et la mainmise de l'État. La NEP semble salutaire. Qu'apporte concrètement la NEP ? La réquisition des récoltes est remplacée par un impôt fixe en nature. Les paysans disposent librement de ce que leur laisse l'État : ils sont autorisés à vendre leur production ; l'État laisse donc agir la concurrence. Il rétablit aussi partiellement la propriété : bien que le Code agraire (mai 1922) maintienne la nationalisation des terres, il donne aux paysans la possibilité de louer et transmettre les terres louées. [...]

[...] On peut aussi considérer que la NEP est une entorse à l'idéal bolchevique, partisan de la révolution directe. Les pactes établis avec les pays étrangers capitalistes ne sont pas non plus conformes au marxisme théorique. En cela, Lénine développe donc sa propre interprétation, vers un marxisme-léninisme dont la NEP est la meilleure illustration. La NEP a permis de redresser la Russie soviétique, mais au prix d'un retour, certes partiel et contrôlé, vers le capitalisme. C'était une étape obligatoire pour le pays trop faiblement industrialisé et encore trop meurtri pour être capable de passer à l'économie socialiste. [...]