Généralement, on admet que la politisation est un processus de modernisation, qui se traduit par une prise en compte des débats et des pratiques, qui dépassent, sans le nier ni le rejeter, l'espace local et communautaire. Bref, c'est le processus de l'intégration à l'espace politique national (dans le cadre le plus souvent de la démocratie libérale, sous forme de monarchie parlementaire ou de république). Maurice Agulhon définit la politisation comme la « substitution de conceptions modernes, libérales et individualistes à des conceptions communautaristes traditionnelles, les premières étaient celles de l'État bourgeois légiférant tandis que les secondes étaient les plus répandues chez les paysans ».
Un des thèmes fondamentaux est celui de l'intégration du local au national, de la rencontre de la « dynamique communautaire » et de la « synergie nationale » , pour passer de la « Petite » à la « Grande Patrie » pour reprendre les mots des républicains. La politisation des campagnes se joue sur ces deux niveaux, le local et le national, où les enjeux sont de nature différente ; les enjeux locaux ne disparaissent pas avec la nationalisation de la vie politique, et cette dialectique caractérise pour longtemps la politique au village
Les régimes politiques étant fréquemment bouleversés, la place de la paysannerie dans la vie politique doit être nécessairement examinée en fonction de cette chronologie. Comment, par quelles étapes et en fonction de quels événements les ruraux français entrent-ils en politique au XIXème siècle ?
[...] Il arrive ainsi régulièrement dans les périodes de crise entre les autorités civiles et ecclésiastiques[16], que le candidat soutenu par le curé contre le candidat officiel, batte ce dernier. Ainsi, du point de vue d'une liberté idéale, il est fâcheux que la tendance rouge ait été éliminée du débat ; mais dès l'instant que le blanc et le bleu (les presbytères et la sous-préfecture) menaient parfois des politiques contradictoires, la concurrence subsistait et empêchait l'ankylose complète de la vie démocratique. [Si certains votes s'expliquent par la haute politique, la thèse de R. [...]
[...] Bernard MÉNAGER, Les Napoléon du peuple. Voilà une preuve en creux que la rumeur répond à des craintes antérieures : la propagation et l'adhésion à une rumeur ne sont possibles que si celle-ci répond à un besoin et un état psychologique. L'union du trône et de l'autel n'est en effet jamais complète sous le Second Empire, parce que bien des catholiques gardent un penchant pour Henri et parce que Napoléon n'est pas rallié à la totalité du programme clérical. Ainsi la faille s'élargit à partir de la question italienne en 1859 où Napoléon fera le jeu des ennemis du pape. [...]
[...] Cet attachement paysan à Napoléon III se révèle déjà très fort dès le 10 décembre 1848 : dans le Périgord, on festoie dans les auberges, la liesse populaire se déchaîne à nouveau au soir du 22 décembre 1851, et plus vivement encore en novembre 1852 à l'annonce des résultats du plébiscite sur le rétablissement de l'Empire. L'adhésion se fait dans tant dans l'enthousiasme que les rumeurs, lancées par les opposants au régime impérial, de rétablissement de la gabelle ou du doublement du traitement des curés, laissent les paysans incrédules et ne peuvent endiguer l'enthousiasme[15]. Avant même la chute de la République, la fête impériale commence donc de s'enraciner au village. [...]
[...] Ce retournement profite donc aux tenants des anciennes dynasties et aux partisans de la papauté. Il s'agit ainsi d'une victoire du camp conservateur et monarchiste mais également, au sein même du camp conservateur, d'une revanche des plus catholiques sur ce que le bonapartisme avait de laïque. L'assemblée de 1871 apparaît bientôt comme principalement cléricale. La République est confisquée par les monarchistes. Ces élections démontrent que la majorité de la France, encore majoritairement rurale, n'est pas encore acquise à l'idéal républicain (c'est en 1871 que Gaston Crémieux à son fameux mot). [...]
[...] Quand le souverain vieillit, le souci dynastique se manifeste plus vivement. Les rumeurs à propos de la santé et d'un prétendu danger (complot, trahison) touchant à la personne impériale mobilisent les foules rurales. Celle-ci se parent d'une mission collective visant à veiller sur le souverain, voir à le défendre. Cela suppose une perspicacité collective : mobilisation de tous et diffusion, par la rumeur, des informations et des mots d'ordre destinés à déjouer les complots. Car seule la trahison pourrait efficacement menacée un souverain dont la défaite serait celle de la paysannerie, et plus généralement de la nation. [...]
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