Si l'on songe aux termes de patriotisme et de nationalisme, on a tendance à les opposer immédiatement, entre un patriotisme républicain, optimiste, positiviste, rationnel et messianique et un nationalisme antirépublicain, obsédé par la décadence, irrationnel et replié sur lui-même.
Mais en lui-même le terme de nationalisme est profondément polysémique. Car en fonction de ce que l'on va entendre par nation, on entendra nécessairement des choses différentes par nationalisme. Si le patriotisme républicain et le nationalisme conservateur de droite sont distinguables, il n'en demeure pas moins qu'il existe des « dénominateurs communs » (Raoul Girardet).
Dès lors, en quoi nationalistes et patriotes s'opposent-ils tout en s'apparentant et en quoi la France de 1914 est d'un patriotisme certain, mais pas forcément belliqueux ?
[...] C'est tout à fait significatif du rôle de la Revanche dans les interrogations nationalistes, qui, s'il a été certain, n'en est pas moins demeuré que secondaire. Les deux formules de Déroulède : Avant de libérer l'Alsace-Lorraine, il faut libérer la France et Il y a des questions intérieures qui dominent les questions extérieures montrent très bien que ce nationalisme est avant tout un nationalisme de repli, bien plus qu'un nationalisme conquérant et agressif. D'ailleurs la définition de la nation est profondément négative, elle est par rapport à ce qu'elle n'est pas, ce que Maurras a regroupé sous le terme d'Anti-France, à savoir, d'après lui, les juifs, les protestants, les francs-maçons et les étrangers. [...]
[...] Toutes ces constatations permettent de penser que la France n'est pas enfiévrée par le nationalisme à l'été 1914. Tout au plus est-elle pénétrée par des idéaux patriotes qui la mobilisent, en pleine moisson et dans la résignation, pour la défense de la patrie, comme l'avaient fait les soldats de l'an II. Bibliographie ouvrages généraux - Jean-Claude Caron, Michel Vernus, L'Europe au XIXe : des nations aux nationalismes 1815-1914, Paris, Armand Colin - Jean Touchard, Histoire des idées politiques, Paris, PUF quadrige - Richard Galliano, Histoire des puissances européennes de 1815 à 1914, paris, Hachette ouvrages spécialisés - Raoul Girardet, Le nationalisme français Anthologie 1871-1914, Paris, Seuil - Claude Digeon, La crise allemande de la pensée française 1870-1914, Paris, PUF - Jean-Jacques Becker Comment les français sont entrés en guerre, Paris, Presse FNSP - Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire, 1885-1914, Paris, Seuil, 1978. [...]
[...] Mais il faut se garder d'imaginer toute liesse chauvine, c'est dans la résignation que les français sont entrés en guerre. Il ne faut donc pas trop séparer nationalisme et patriotisme, le premier se greffe sur le second et en tire une très large part affective. Il n'empêche que cela reste deux mouvements profondément différents. Le patriotisme républicain trouve ses origines idéologiques dans le jacobinisme et dans l'héritage révolutionnaire. Tout au contraire, le parti nationaliste est une alliance des postulats nationaux et des principes politiques du traditionalisme. [...]
[...] C'est que la frontière est parfois très incertaine. S'ils sont différents sur de nombreux points, notamment sur le fait que dans le nationalisme, il y a une dimension d'une prééminence de l'idée de nation sur le reste de la doctrine politique, ce contrairement au patriotisme où l'idée de nation participe à d'autres projets, sans être véritablement une fin en soi, il n'en demeure pas moins que les deux doctrines sont très liées et qu'il ne faut pas les séparer trop catégoriquement. [...]
[...] C'est surtout un élément qui va donner une tonalité très particulière (Girardet) aux nationalismes d'après 1871. Les Français pensent maintenant la France d'après la défaite et le besoin de redéfinir la nation française est extrêmement prégnant a profondément bouleversé la pensée française puisqu'elle se renouvelle largement après Sedan. Pour reprendre les analyses de Claude Digeon, il semble que le premier temps fut celui de l'admiration sans borne pour l'Allemagne. Le modèle à égaler était l'Allemagne et c'est dans une certaine mesure ce qu'a prêché Gabriel Monod quand il restructure l'université française au lendemain de la défaite de 1870. [...]
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