Patrie et nation sont évidemment très liées et il est difficile d'envisager l'existence de l'une sans l'autre. Cette définition prend tout son sens, si on la relie à l'idée de nation souveraine, que l'on retrouve sous la Révolution. En effet, la souveraineté nationale, le fait qu'il n'y ait pas d'autre autorité que le peuple ou que la nation sur le territoire doit conduire à refuser de céder à toute attaque provenant de l'étranger ou toute tentative cherchant à la miner de l'intérieur. En ce sens, réfléchir sur la patrie en danger c'est s'interroger sur le devenir de la souveraineté nationale en France depuis la Révolution, c'est aussi comprendre les logiques, qui ont conduit à l'évolution du sentiment national, c'est ainsi comprendre le lien entre « République en péril » et « patrie en danger ».
La patrie en danger est ainsi bien le leitmotiv que l'on va retrouver sous une forme ou une autre tout au long du XIXe siècle, depuis la Révolution jusqu'à 1914 et même encore après. Mais cette expression recouvre en fait deux réalités différentes : à savoir dans un premier temps celle de la République en péril, telle que la défendent les Révolutionnaires et leurs héritiers, autour de l'idée de nation souveraine, et qui est vraiment au cœur de la pensée nationaliste française dans la première moitié du XIXe siècle, et celle de la patrie en danger, proprement dite, à savoir la patrie par opposition à tout ce qui est étranger, qui apparait après 1871, et qui donne naissance à un nationalisme de type nouveau, tel que le défendent, bien que différemment, Barrès ou Maurras.
Nous verrons ainsi dans une première partie comment l'idée de nation souveraine, la défense de la République face aux puissances étrangères va contribuer à forger le nationalisme en France de la Révolution à la seconde moitié du XIXe siècle (I), avant d'étudier le tournant pris à la fin du XIXe siècle avec l'apparition de nouveaux éléments, qui vont faire basculer le patriotisme républicain de 1792 en un nationalisme enraciné dans la terre, antisémite et antirépublicain au début du XXe siècle (II).
[...] On a pu parler également de messianisme patriotique, que relaient des romantiques comme Michelet, qui fait de la France un peuple élu ayant pour mission de venir en aide aux nations opprimées. Dans ce contexte, l'exclusion de la France de la Conférence de Londres, consacré à la question d'Orient entraine une surenchère nationaliste. Le gouvernement de Thiers largement soutenu par l'opinion, laisse entendre que la France pourrait remettre en cause la frontière du Rhin et annexer sa rive gauche. Cette crise du Rhin déchaine en France comme en Prusse les passions nationalistes. [...]
[...] Ainsi, la loi du 14 février 1879 remet en vigueur le décret du 26 Messidor An III, en faisant de la Marseillaise, l'hymne officiel de la France et celle du 6 juillet 1880 fixe au 14 juillet la fête nationale pour commémorer la fête de la fédération du 14 juillet 1790. Du côté de l'armée, la loi Freycinet du 15 juillet 1889 rend obligatoire le service militaire. Le 12 mai 1882, Paul Déroulède crée la Ligue des patriotes, soutenue par de nombreux républicains (Clémenceau, V. Hugo, H. [...]
[...] Le nationalisme rejette dès lors la modernité et le progrès, dénonce la remise en cause des solidarités communautaires traditionnelles, comme Barrès dans Les Déracinés en 1897 et l'effondrement du sens du sacré. Le nationalisme du dernier tiers du XIXe siècle va ainsi se définir de plus en plus par rapport à ceux, qu'il considère comme ses ennemis.et dans les années 1890, avec le scandale de Panama et surtout l'affaire Dreyfus, l'antisémitisme devient sa véritable pierre angulaire. L'Affaire marque l'apogée des ligues nationalistes, notamment la Ligue antisémitique de France créée par E. Drumont et reprise en 1897 par J. [...]
[...] La première moitié du XIXe siècle voit donc l'association entre nationalisme et jacobinisme et la définition faite de la nation jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle est celle d'une nation comme association volontaire A Un nationalisme jacobin Au début du XIXe siècle, le nationalisme apparait d'abord comme un héritage de la période révolutionnaire. L'inventeur du mot, l'abbé contre- révolutionnaire Augustin Barruel, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme lui a donné un sens péjoratif pour désigner la prétention des Jacobins à porter par la conquête le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Il convient ici de bien saisir la particularité de la patrie révolutionnaire, qui est une patrie idéologique, désincarnée, celle des droits de l'homme. [...]
[...] II La patrie en danger ou l'idée de revanche Le tournant qui s'opère à la suite de la défaite de 1871 va avoir pour effet de sceller définitivement le nationalisme à l'idée de revanche après la perte de l'Alsace Moselle. Ainsi plus que jamais, le nationalisme est antigermanique, mais surtout il cesse d'être républicain et se développe autour de l'idée du complot et de l'ennemi interne. A Des ennemis internes Le boulangisme va marquer une rupture importante dans l'histoire du nationalisme français. [...]
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