L'époque contemporaine est marquée très distinctement par le XIXe siècle, siècle de la grande industrie mais aussi siècle de toutes les crises sociales, lesquelles vont pousser les théoriciens des doctrines sociales à repenser l'ordre industriel et plus généralement l'ordre de la société. Dans le courant du siècle, le patronat va adopter les théories capitalistes et établir, sur les bases des anciennes structures des domaines ruraux, des ateliers artisanaux et des manufactures industrielles, le paternalisme. Il repose sur l'idée première de la force patriarcale, inspirée par sa lointaine origine romaine, le pater familias qui régnait en maître sur sa famille et sa maison, mais dans une optique clairement définie : le bien commun. C'est dans cette optique qu'il faut opérer la lecture de ce « mouvement » paternaliste qui gagne les entreprises, d'abord les petites structures avant de connaître, au fil de l'évolution industrielle et des profits opérés par l'activité, des succès certains dans les plus importantes structures. Cependant, le paternalisme va connaître nombre de revers, le père va subir la crise de l'adolescence du prolétariat en formation, comme nous le verrons, le paternalisme va alors se durcir. Les crises ouvrières vont accompagner le mouvement de réflexion qui va aboutir sur la proposition d'utopies sociales, portées par les grandes doctrines qui cherchent la reconnaissance du monde ouvrier et l'harmonie des rapports. Le XIXe siècle est aussi marqué par l'émergence de la politique en économie, partant de ce constat on comprend mieux la place que va prendre le capitalisme et plus spécifiquement le libéralisme, à la fois en économie mais aussi en politique ; le paternalisme a connu le même succès dans les deux voies de développement et nous verrons comment la mort de l'un entraîne la mort de l'autre. Il est intéressant de porter notre regard sur le capitalisme qui se présente comme un idéal économique de croissance et comment à travers le libéralisme il va s'exprimer en idéal politique, partant de là, le paternalisme qui n'a pas réellement éprouvé une réalisation complète reste à l'état embryonnaire de développement, dès lors peut-on parler d'utopie ? On connaît les utopies énoncées par le socialisme mais le capitalisme peut être considéré comme l'auteur d'une utopie sociale et dans cette mesure le paternalisme se présente comme son digne projet social. Afin d'éclaircir la question, il sera essentiel de présenter en parallèle les deux phases du développement du paternalisme, l'aspect bienfaiteur, puis sa transformation vers un modèle conflictuel avant de connaître une mort certaine sur les ruines du paternalisme politique et devant la naissance de l'Etat providence
[...] Le dispositif paternaliste qui se met en place est destiné à fixer la main-d'œuvre et à la reproduire. Le patronage se développe selon trois axes, légitimant le contrôle exercé par les patrons sur les ouvriers : la générosité chrétienne, on la retrouve chez les Harmel, dynastie de la bourgeoisie industrielle du textile en pleine ascension dans la région de Reims dans la première moitié du XIXe siècle, Léon Harmel sera même l'un des fondateurs du Catholicisme social. Le deuxième axe, porte sur les inquiétudes nées de la crise sociale de 1848, certains patrons semblent chercher l'abolition des luttes de classes, sans remettre en cause l'ordre social ni le mode de production, il s'agit en réalité d'une volonté de défense du capitalisme en évitant la répression des mouvements sociaux connus avec le Printemps des Peuples. [...]
[...] Le principe d'autorité et de contrôle que condamnaient les ouvriers s'en trouve renforcé, il s'agit pour le patron de combattre la malfaçon, les retards et l'absentéisme, susceptible de nuire à ses profits. Le grand capitalisme se dessine, en quête perpétuelle du profit, il a recours à un arsenal de mesures répressives et dissuasives. L'ouvrier qui bénéficie des avantages des caisses de secours en serait privé s'il fréquentait des «mauvais lieux» ou s'il créait des troubles, tout ceci dans le but de l'éloigner des structures syndicales. Dans le même ordre d'idées, les «coupables» d'unions irrégulières peuvent être licenciés. [...]
[...] Le paternalisme perd son sens et sa substance l'usine providence meurt, l'entretient de la main-d'œuvre se change en structure de contrôle visant à améliorer la productivité non plus par amélioration des conditions de vie des ouvriers mais en les soumettant à la pression sociale exercée par le patronat. III. L'Etat Providence contre l'Usine Providence A. L'essoufflement du mouvement Au XIXe siècle, le paternalisme a connu un succès certain, non seulement dans l'économie mais aussi dans la politique, il est lié à son époque, celle du capitalisme libéral du premier siècle de la Révolution industrielle. [...]
[...] C'est dans cette optique qu'il faut opérer la lecture de ce mouvement paternaliste qui gagne les entreprises, d'abord les petites structures avant de connaître, au fil de l'évolution industrielle et des profits opérés par l'activité, des succès certains dans les plus importantes structures. Cependant, le paternalisme va connaître nombre de revers, le père va subir la crise de l'adolescence du prolétariat en formation, comme nous le verrons, le paternalisme va alors se durcir. Les crises ouvrières vont accompagner le mouvement de réflexion qui va aboutir sur la proposition d'utopies sociales, portées par les grandes doctrines qui cherchent la reconnaissance du monde ouvrier et l'harmonie des rapports. [...]
[...] Ainsi un ensemble de lois vont endiguer la politique paternaliste des patrons : Les lois sur les libertés publiques vont renforcer l'union des ouvriers (liberté de réunion en 1881 et professionnelle en 1884 avec la loi Waldec-Rousseau), la loi Ferry en 1881 pour l'école obligatoire, gratuite et laïque met fin à l'enseignement financé par le patron ; les lois sur le travail des femmes (10 heures en 1900, interdiction du travail de nuit et repos hebdomadaire en 1892, loi sur les femmes en couches en 1909) et les lois sur le travail des hommes (repos hebdomadaire en 1906) endiguent les abus et l'exploitation des ouvriers et de leur famille ; les lois sur les salaires (loi du 6 février 1895 sur l'insaisissabilité des salaires) ralentissent le pillage des revenus ; les lois sur la prévoyance (retraite des mineurs en 1894, retraites ouvrières et paysannes en 1910) renforcent les revenus ouvriers tout en mettant fin au contrôle des caisses par le patron ; enfin, les lois sur la responsabilité en cas d'accidents du travail poussent le patron à assurer la sécurité de sa main-d'oeuvre. Ainsi, l'Etat paternaliste prend fin, l'Etat-Providence germe et avec lui meurt le paternalisme. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture