Dans les années 1840, Balzac déclare, dans La Muse du département : « Sachons-le bien ! La France, au dix-neuvième siècle, est séparée en deux grandes zones : Paris et la province » ; il établit ainsi une véritable dichotomie entre la capitale et le reste du pays. La Deuxième République (1848-1852) s'avère particulièrement intéressante pour l'étude des relations entre ces deux « zones ». Le 22 février 1848, la crise économique et sociale qui sévit depuis 1846 s'additionne à un faisceau de frustrations politiques et sociales pour abattre la monarchie de Juillet. L'abdication de Louis Philippe entraîne le ralliement quasi général de la classe politique : la Deuxième République est proclamée, le 24 février 1848, sous la pression populaire, par les chefs républicains, à Paris. « Si tout arrive à Paris, tout passe en province », écrit encore Balzac dans la préface d'Eugénie Grandet. Certes, Paris a longtemps été le coeur qui a entraîné le reste du pays, qui a pu lui sembler à maintes reprises subordonné et apparaît souvent comme un acteur de second plan par rapport au centre névralgique que serait la capitale politique... Pour autant, la césure entre ces deux pôles - l'un urbain par excellence, et lieu de décision ; l'autre plus rural, mais aussi plus massif - est-elle toujours aussi nette ? Quelles relations, quels rapports de force entretiennent Paris et la province, eut égard à leurs acteurs (assez hétéroclites), leurs attentes et aspirations ? Il convient de tenter de mieux cerner le rôle et le poids respectif de ces deux entités.
Si l'illusion lyrique des débuts de la 2e république a pu entretenir le sentiment d'une union de la province et de la capitale (celle-ci menant cependant « la danse »), la province s'affirme de plus en plus sur la scène nationale. Bien plus, le centre de gravité du pays bascule dans une certaine mesure, au point que l'on ne puisse plus ignorer cette nouvelle donne (...)
[...] Ainsi, le château des Rothschild a été pillé, des bris de machines sont survenus à Lyon et Rouen Même si les troubles furent bien plus nombreux en province, Paris ne fut pas totalement épargnée : des bourgeois ont par exemple été molestés. Si une certaine dichotomie entre la capitale et la province existe bel et bien, il ne s'agit pas d'une césure parfaitement claire et nette : des points communs existent. Cependant, la suprématie parisienne ne fait aucun doute dans cette république qui s'avère essentiellement urbaine. [...]
[...] Le programme –assez vague et vaste qu'ils proposent se veut davantage rural : remboursement des 45 centimes, crédit plus abordable (Proudhon a vu son projet de crédit gratuit pour les pauvres refusé à 600 voix contre 2 développement de l'instruction primaire ; . Les démocs-socs recueillent progressivement des partisans, s'appuyant sur une diffusion efficace de leurs idées, via des journaux Le Bien du peuple Le Bonhomme Manceau le colportage, en dépit d'une sévère répression. Leurs efforts sont couronnés de succès, lors des élections de mai 1849 : si le parti de l'Ordre l'emporte largement, avec 500 députés, la formidable poussée rouge (200 voix, soit 30% des suffrages) les inquiète profondément, d'autant plus qu'une géographie des tendances politiques est aisément identifiable, des départements entiers ont voté pour l'extrême-gauche (Midi, Basses Alpes, Saône et Loire). [...]
[...] Si tout arrive à Paris, tout passe en province écrit encore Balzac dans la préface d'Eugénie Grandet. Certes, Paris a longtemps été le cœur qui a entraîné le reste du pays, qui a pu lui sembler à maintes reprises subordonné et apparaît souvent comme un acteur de second plan par rapport au centre névralgique que serait la capitale politique Pour autant, la césure entre ces deux pôles l'un urbain par excellence, et lieu de décision ; l'autre plus rural, mais aussi plus massif est-elle toujours aussi nette ? [...]
[...] D'où un ralliement exceptionnel à la cause républicaine, qui cristallise maints espoirs : il s'agit, dans un premier temps, de construire une république à visage humain, ce qui a priori ne peut que satisfaire un monde ouvrier et surtout paysan durement atteint par la crise. Cependant, cet idéal d'union, de fraternité, de collaboration de tous pour le bien de tous doit être nuancé. De fait, il laisse dans l'ombre un certain nombre de points noirs et présente des limites non négligeables ; limites que les chefs républicains de l'époque (comme Lamartine) ont tenté de minimiser. Tout d'abord, il faut souligner le déphasage politique de la province, lors de la révolution de février. [...]
[...] Le prince-président a ainsi tout à fait conscience du poids immense que la province met dans la balane de sa destinée politique, pour paraphraser Blanqui Le pouvoir parisien ne semble plus pouvoir se passer du soutien (plus ou moins forcé, manipulé) de la province, et notamment des campagnes. * CONCLUSION Ainsi, la Deuxième République voit en quelque sorte un coup d'arrêt à l'hégémonie de Paris (ambitions du peuple parisien, capitale politique, siège du pouvoir) ; ses gouvernants et ses forces politiques ne peuvent plus ignorer le poids croissant de la province Si le rapport de forces, pour ainsi dire, ne s'inverse pas, reste que l'on ne peut plus affirmer, avec Balzac, que tout arrive à Paris et que tout passe en province : la réalité politique et sociale est en effet beaucoup plus complexe Sans doute ne pouvait-il pas en être autrement, dès lors que le suffrage universel est instauré. [...]
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