Si Proudhon constate que la paix n'est que l'affirmation silencieuse de la guerre (« la paix, c'est la guerre au repos »), l'aspiration à celle-ci figure au cœur même des apports culturels qui ont façonné la pensée occidentale, l'idéal humaniste, la foi dans la science et le progrès. Les pacifiques s'efforcent de prêcher la concorde et la tolérance. Quant au mot « pacifisme », il est contemporain de celui de « socialisme » et serait dû à Richard de Radonvilliers en 1845. Le pacifisme, s'il est partisan de la paix entre les États, peut prendre également le sens de « partisan de la paix à tout prix ». Dans ce cas, on le nomme pacifisme intégral, qui a été condamné en 1908 par l'académicien Faguet dans son livre Le Pacifisme. En effet, ce type de pacifisme est assimilé au défaitisme, et nie selon l'auteur la vertu de guerre. Le pacifisme, c'est d'abord la volonté d'éviter la guerre grâce à la négociation. L'esprit de paix n'exclut ni la possession d'une force armée ni la défense légitime du pays en cas d'agression. Le pacifisme, à un stade supérieur, souhaite une paix durable, comme E. Kant qui a imaginé un Projet de paix perpétuelle entre les nations. Si le Siècle des Lumières affirme que la liberté des échanges est un facteur de paix important, le XIXe est celui d'un monde déchiré par les guerres avec la poussée des nationalismes. Mais l'idée de paix subsiste pourtant à travers certains courants comme le libéralisme, le socialisme ou le fédéralisme.
Ainsi, le mouvement pacifiste ne naît et ne s'organise que progressivement au cours du XIXe siècle, pour s'éteindre lors de la Grande Guerre avant de renaître dans les années 1920.
Dès lors, quels sont les moyens d'organisation et d'action du mouvement pacifiste dans les différents pays d'Europe, du Printemps des peuples à la veille de la Première Guerre mondiale ? En quoi les difficultés rencontrées par le mouvement pacifiste expliquent-elles son impuissance à entraver le déclenchement du premier conflit mondial?
[...] La notion de pacigérat vise à défendre le régime de paix en temps de guerre. En outre, la poursuite des travaux de la Conférence de La Haye représente la possibilité de continuer la réflexion sur le recours à l'arbitrage obligatoire et sur la limitation des armements. Les pacifistes ne se mobilisent pas uniquement pour la cause de la paix, mais interviennent dans la presse en particulier pour critiquer les agissements de certaines puissances. Leur mobilisation dépasse donc largement le cadre strict de la paix, et s'étend à la réforme des institutions ou à des revendications inhérentes aux droits de l'homme. [...]
[...] Le pacifisme semble alors unanimement rejeté. C'est vers 1880 que la situation évolue. Une nouvelle génération apparaît, moins sensible que la précédente au souvenir de la défaite. Celle- ci retrouve la voie de l'antimilitarisme. Au sein du socialisme en pleine renaissance, les idées de Marx progressent, notamment l'internationalisme. Au sein du mouvement socialiste, le grand débat sur la nécessité de la défense nationale donne raison à Jaurès qui veut unir patriotisme et internationalisme. L'espérance pacifiste perdure du côté du syndicalisme révolutionnaire et des groupes anarchistes. [...]
[...] Les pacifistes anglais réagissent très vivement. Ils s'opposent à la politique impérialiste de leur pays et sont accusés de traîtrise par les milieux nationalistes. Les groupes pacifistes internationaux ne tardent pas à prendre position contre l'Angleterre, responsable du déclenchement de la guerre des Boers. Ils jugent en effet cette guerre est inégale compte tenu des forces en présence. Cette guerre montre la confrontation entre l'impérialisme britannique et les pacifistes. Quant à la guerre italo-turque, elle remet en cause la dialectique patriotisme/ pacifisme. [...]
[...] Le lendemain, le 1er août, la mobilisation générale est proclamée. Les socialistes français sont prêts à voter les crédits de guerre en cas d'agression, qui sont votés le 4 août, jour des obsèques de Jaurès, alors que l'Allemagne a déclaré la guerre à la France la veille. Comme le souligne Jean Defrasne, la Nation l'emporte sur la Révolution. Le syndicaliste Monatte, pacifiste convaincu, avoue : Nous avons été impuissants les uns et les autres, la vague est passée et nous a emportés Cependant, le mouvement pacifiste, après avoir acquis des organisations, une existence institutionnelle ainsi qu'une certaine légitimité de par ses interventions, est victime du climat défavorable à ses idées avec l'exaltation du patriotisme et la montée des nationalismes dans la plupart des pays européens. [...]
[...] Ouvert par un grandiose meeting pacifiste dans la cathédrale au cours duquel J. Jaurès prononce un discours resté célèbre, il se veut une éclatante démonstration de l'unité du mouvement socialiste pendant la guerre, une harmonieuse manifestation de la puissance de l'Internationale. Celle-ci propose la constitution d'une Fédération balkanique mais est incapable de définir la moindre initiative concrète contre la guerre. Cette impuissance est l'expression du profond malaise existant dans les rangs du socialisme européen sur la question de la guerre et de la paix. [...]
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