"...Un jour, aux environs de cinq heures du soir, me semble-t-il, un Russe qui avait l'air de se promener a ouvert la porte du camp ; et puis il m'a semblé que sans savoir où il était, il a découvert des gens à l'aspect squelettique... Je rappelle que nous étions dans une annexe d'Auschwitz". Georges Snyders témoigne ainsi du caractère résolument aléatoire et imprévu de l'ouverture des camps de concentration et d'extermination par les alliés entre novembre 1944 et mai 1945. Les camps ont bien été ouverts, et non libérés. Ils se sont trouvé sur la trajectoire des alliés dans les derniers mois de la guerre et n'ont pas été volontairement recherchés ou secourus. Les troupes anglaises, américaines ou russes découvrent les camps de Lublin-Majdanek et de Struthof en juillet et novembre 1944, Auschwitz-Birkenau le 27 janvier 1945, Buchenwald, Dora, Bergen-Belsen, Dachau et Ravensbrück en avril 1945, et Mauthausen en mai 1945.
L'arrivée des alliés dans les camps est toujours précédée par une évacuation forcée de ceux--ci par les nazis, suivant un processus que les déportés appelèrent par la suite les "marches de la mort". Le régime hitlérien poursuit la stratégie du secret qui a entouré la "solution finale" depuis son initiation officielle en janvier 1942 : il s'agit de détruire toutes les installations de mises à mort dans les camps d'extermination et de laisser le moins de traces possible des terribles exactions commises. Sur les 5,5 millions de déportés dans les camps nazis, un million environ aura survécu, un million de personnes qu'il s'agit de soigner, de nourrir, de prendre en charge, de rapatrier et de réintégrer dans leur pays d'origine. Mais au-delà de cette gestion matérielle des anciens déportés, l'ouverture des camps de concentration implique aussi une diffusion de l'information sur les crimes nazis dans l'opinion mondiale. Il s'agit ainsi de faire une histoire de la réception, une description du monde face aux portes ouvertes de l'univers concentrationnaire et d'extermination. Or ce qui ressort clairement de cette histoire, c'est l'échec de la communauté internationale et des Etats, le rendez-vous manqué entre cette histoire de la persécution et l'opinion mondiale.
En quoi le contexte international de l'immédiate après-guerre mondiale a-t-il pu contribuer à un échec de la gestion collective, matérielle et morale, de l'ouverture des camps et de ses conséquences ?
[...] Bibliographie Ouvrages généraux - BERSTEIN Serge et MILZA Pierre. Histoire du XXe siècle, Tome Paris : Hatier - DURAND Yves, Histoire générale de la Deuxième Guerre mondiale, Bruxelles : Complexe Ouvrages spécialisés - MESNARD Philippe, Consciences de la Shoah, Critique des discours et des représentations, Paris : Kimé - HILBERG Raoul, La politique de la mémoire, Paris : Gallimard - Dir. MATARD-BONUCCI Marie-Anne et LYNCH Edouard, La libération des camps et le retour des déportés Bruxelles : Complexe - WIEVIORKA Annette, Déportation et génocide, entre la mémoire et l'oubli, Paris : Plon Témoignage de Georges Snyders, cité in, Isabelle Hupert, "Paroles de Témoin, La multiplicité des experiences individuelles", in La libération des camps et le retour des déportés, dir. [...]
[...] Le régime hitlérien poursuit la stratégie du secret qui a entouré la "solution finale" depuis son initiation officielle en janvier 1942 : il s'agit de détruire toutes les installations de mises à mort dans les camps d'extermination et de laisser le moins de traces possible des terribles exactions commises. A l'arrivée des alliés, beaucoup de camps, comme Struthof ou Lublin-Majdanek, sont déserts. Quand demeurent encore des populations, ce sont celles qui, malades ou dans un état de trop grande faiblesse, n'ont pu être forcées à se déplacer vers d'autres camps, et n'ont pas été fusillés avant le départ des SS. [...]
[...] En quoi le contexte international de l'immédiate après-guerre mondiale a-t-il pu contribuer à un échec de la gestion collective, matérielle et morale, de l'ouverture des camps et de ses conséquences ? Une "libération" qui reflète l'absence de prise de conscience sur la situation concentrationnaire du côté des alliés compromet la diffusion de l'information sur la spécificité des crimes nazis au sein des sociétés aboutissant à un travail de mémoire lacunaire dans le cadre de la guerre froide naissante et de la reconstruction (III). Une "libération" des camps qui reflète l'absence de prise de conscience sur la situation concentrationnaire du côté des alliés . [...]
[...] Une gestion inappropriée et désorganisée de la situation au sein des camps et du rapatriement par les alliés La prise en charge des déportés a largement souffert de l'absence de préparation et de formation à l'humanitaire de la part des soldats, en ce qui concerne la gestion de la vie au sein des camps, mais également du fossé entre les décisions prises par les alliés et les réalités sur le terrain, notamment en ce qui concerne le rapatriement. À leur ouverture, les camps ont généralement vécu une période transitoire avant le rapatriement des déportés dans leur pays d'origine. Il s'agissait tout d'abord de nourrir et de soigner les vivants, souvent trop faibles pour bouger immédiatement, mais aussi d'enterrer les morts dans beaucoup de cas. Ces mesures, essentielles, ont souvent été menées avec peu de tacts, et les déportés vécurent souvent assez mal cette période, selon les témoignages, ayant encore l'impression d'être traités comme des prisonniers. [...]
[...] Les camps d'extermination et les chambres à gaz ayant été détruits, il y a peu de preuves pour mettre à jour de manière explicite ce mécanisme au lendemain de la guerre. De plus, comme nous l'avons déjà signalé, les camps d'extermination furent découverts par les Soviétiques, qui insistèrent beaucoup moins sur la révélation de ce qui y fut trouvé. Ainsi la spécificité du génocide des juifs n'a pas du tout transparu dans la presse, de nombreux articles sur l'ouverture des camps n'y faisant même pas référence. [...]
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