Rétablie le 8 juillet 1815, après le bref intermède napoléonien des Cent Jours, la Restauration consacre une forme de régime inédite en fonctionnement en France : la monarchie constitutionnelle. Cette nouvelle configuration politique, associée aux libertés garanties par la Charte de 1814, sera le terreau de la naissance d'un espace public, défini par Habermas comme « espace où l'individu éclairé peut faire un usage public de sa raison », c'est-à-dire un espace où la liberté d'opinions et leur confrontation est garantie juridiquement.
On peut ainsi envisager la Restauration comme un « dégel de la vie intellectuelle », pour reprendre les mots de Bertier de Sauvigny. Divisées entre ceux qui veulent effacer les 25 dernières années et ceux qui souhaitent conserver ces libertés si chèrement acquises, il s'agit pour toutes les couches de la société de laisser s'exprimer leur opinion raisonnée sur le pouvoir : comment et dans quelle mesure peuvent-elles participer à la vie politique à travers l'expression publique de leur opinion ?
Nous verrons donc dans un premier temps en quoi la Restauration peut être considérée comme le cadre de l'émergence d'une véritable opinion publique, bien que celle-ci ne soit encore que partiellement libre, et nous nous attacherons ensuite à distinguer les diverses modalités d'expression de cette opinion pour les Français, modalités qui sont encore conditionnées par leur appartenance sociale.
[...] À titre de comparaison, un volume neuf coûtait de sept huit francs. Si l'on dénombre ainsi en cabinets de lecture à Paris, ce chiffre s'élève jusqu'à 520 en 1828 ! Les formes nouvelles de l'expression populaire Même si l'on peut retrouver des observations de police datant de janvier 1819 invoquant qu'« en général, la classe ouvrière et le peuple s'occupent peu d'affaires politiques ce n'était pas le cas en réalité. Le peuple entier se sent concerné par la vie politique, et de nombreuses voies permettent à une opinion publique populaire de s'exprimer. [...]
[...] Des grèves sont même régulièrement conduites, protestations que le pouvoir ne cherche pas à étouffer ; on constate même une certaine mansuétude envers les coalitions ouvrières de la part des autorités, qui n'interviennent qu'en cas de violences et qui semblent considérer les revendications ouvrières comme justifiées : L'exigence des ouvriers est la meilleure preuve de l'activité des fabriques indique ainsi un rapport de police daté de 1822. Le petit peuple manifeste également son refus de certaines obligations tel que le repos dominical, et certains n'hésitent à porter ostensiblement un costume de travail le dimanche afin d'afficher leur revendication. Néanmoins, le petit peuple va trouver, à travers les banquets populaires et les enterrements, un moyen nouveau pour exprimer publiquement son opinion. [...]
[...] La forme mondaine par excellence de l'expression de l'opinion publique reste le salon. Selon sa voie ou son opinion politique, l'on peut se rendre à Paris dans un salon où l'on discutera politique et libertés. Si la princesse de La Trémoille reçoit les ultras, les libéraux se rendront plutôt chez Casimir Perier. Quant aux doctrinaires, ils se retrouvent dans le salon de la duchesse de Broglie. Les sociétés secrètes sont nombreuses, et permettent aux opposants au régime de passer outre l'absence de liberté de réunion. [...]
[...] C'est ainsi à la tribune que se manifeste enfin une réelle liberté d'expression. A côté de ces courants que l'on pourrait qualifier d' officiels subsistent dans l'ombre des opposants au régime, que ce soient des républicains ou des nostalgiques de l'ère napoléonienne (ceux que l'on appellera les bonapartistes). Ces divers courant peuvent s'exprimer à travers la presse politique florissante. Chacun a ses journaux, comme Le Journal des Débats, La Quotidienne pour les ultras, Le Journal de Paris, Le Moniteur pour les constitutionnels ou enfin La Minerve, Le Constitutionnel, d'opinion proche des libéraux. [...]
[...] Des titres tel que Le Globe, réputé dans les milieux intellectuels, ne sont destinés qu'à un public restreint. Le théâtre est également un des nouveaux modes d'expression de l'opinion ; public par excellence, il s'adresse d'abord à des personnes d'une certaine élite. Les pièces se multiplient (en 1824, dans 13 salles sont montées 190 nouvelles pièces et d s feuilles sont même consacrées exclusivement à l'annonce des nouveaux spectacles. Les cinq théâtres royaux reçoivent des subventions, comme le Grand Opéra, où une place coûtait de 3 francs 60 à 10 francs. [...]
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