La notion de lieu de mémoire a évolué dans l'oeuvre de Pierre Nora: il s'agit d'abord de lieux matériels, symboliques ou fonctionnels; les lieux de mémoire deviennent progressivement une pure construction conceptuelle: c'est le regard de l'historien qui constitue des événements en lieux de mémoire: il s'agit de « lieu-de-mémoiriser » des sujets sur lesquels on sait déjà tout.
[...] Une fois le champ des lieux de mémoire ainsi défini, l'histoire peut par contre opérer des classifications, des hiérarchisations entre eux. Sur le plan de la matérialité des lieux, on peut différencier par exemple les monuments, dont la localisation est à peu près indifférente, des lieux architecturaux, dans qui n'ont de sens que par rapport à leur environnement. Si l'on prend le point de vue fonctionnel, on peut distinguer les lieux voués au maintien d'une expérience singulière et intransmissible (par exemple une association d'anciens combattants), qui s'éteint avec ceux qui l'ont vécue, et les lieux de transmission, de pédagogie, comme les manuels ou les dictionnaires. [...]
[...] L'"autre histoire" ouverte par les lieux de mémoire et celle d'une interaction entre mémoire et histoire. Leurs rapports sont définit ainsi : c'est la mémoire qui dicte et l'histoire qui écrit La priorité est donc donné à la mémoire : au départ, il faut qu'il y ait volonté de mémoire écrit encore Pierre Nora. Le risque encouru s'il ne s'y tenait pas serait de glisser vers une définition "molle" de lieux de mémoire, qui regrouperait tout objet virtuellement digne de souvenir. [...]
[...] Dans son article Mémoire collective Pierre Nora montre comment ces deux notions se sont longtemps confondues. Pour le passé lointain, écrit- il, «c'est l'histoire qui nous paraît la mémoire collective du groupe on allait de l'histoire à la mémoire collective Cette histoire-mémoire, qui court des mythes grecs aux historiens de la IIIe République en passant par Bossuet, et qui s'est particulièrement incarné dans une histoire nationale, a aujourd'hui disparu, du fait du renouvellement de la discipline historique, mais plus fondamentalement d'un nouveau régime d'historicité, d'une nouvelle forme de rapport au passé des sociétés contemporaines. [...]
[...] Elle est un souci permanent pour Pierre Nora, même si ses formulations peuvent changer d'un texte à l'autre. La notion elle-même de "lieu de mémoire", par contre, et son utilité historiographique, n'ont pas cette permanence. II. Genèse de la notion de "lieu de mémoire" 1. Dans l'article du Dictionnaire de la nouvelle histoire, l'expression est inventée en inversant le sens des mots. Pierre Nora part de l'idée de "mémoire de lieux", retenus parce qu'ils sont le réceptacle d'une volonté de se souvenir, objet donné à l'historien et non pas construction intellectuelle. [...]
[...] Le double but d'expliquer le présent et de montrer la fécondité d'une nouvelle manière de faire de l'histoire est à l'origine de l'ouvrage monumental de Pierre Nora. La longueur du travail mené à bien permet de déceler des évolutions de la définition de la notion "milieu de mémoire", que l'auteur signale au fur et à mesure : c'est la chance de ce livre d'histoire, dit-il, d'être de ceux dont l'histoire est assez longue pour inclure leur propre histoire». I. C'est l'évolution des rapports entre histoire mémoire qui fonde le travail sur les Lieux de mémoire. [...]
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