L'évaluation précise de la population nobiliaire a toujours donné lieu des interprétations divergentes et reste aujourd'hui encore source de débats. Michel Nassiet avance qu'un chiffre de 234 000 correspondrait à la situation au début du siècle des Lumières, alors que dans la décennie 1780, on était tombé à 140 000 individus nobles, ce qui supposait une impressionnante érosion de 41 %. Cet infléchissement remonte en fait au moins au règne de Louis XIV, et la raison principale doit être la stérilisation de branches cadettes – phénomène qui concerne d'ailleurs toutes les aristocraties européennes.
Ce mouvement affaiblit incontestablement les aristocraties à un tel point qu'en France, la noblesse ne constitue plus qu'un peu plus de 1 % de la population totale ; d'autres problèmes s'ajoutent, comme la curialisation à Versailles de la haute noblesse, très peu présente désormais sur ses lointaines terres provinciales. Ainsi se pose dans certaines terres périphériques un véritable problème d'encadrement social. D'une région à l'autre, la place de nobles pouvait varier du simple au quintuple. Est-ce vraiment le hasard si les phénomènes de violences rurales furent particulièrement intenses en 1790 sur les marges du Bassin Aquitain, où les domaines des grandes familles ducales étaient nombreux, mais dont les seigneurs résidaient à Versailles depuis longtemps ?
Le second ordre apparaît donc réellement traversé par une insurmontable contradiction entre son désir de maîtriser sa fécondité pour préserver un patrimoine familial, et un souci vital de sauvegarder l'avenir des lignages, de survie du nom. De même, ces distorsions dans le comportement démographique, qui placent aux antipodes le noble de cour et le petit noble breton décrit par Chateaubriand, ne sont-elles pas l'expression d'une crise sourde qui traverse l'ordre et qui se retrouve dans les comportements sociaux ?
[...] Le travail par exemple, que la noblesse fut parfois contrainte de pratiquer pour survivre en émigration, était en contradiction complète avec le principe de dérogeance. Ainsi, par réaction, on observe dans le monde de la noblesse un indéniable repli sur des valeurs traditionnelles. De ce fait, dans un monde qui vivait avec la nostalgie de l'Ancien Régime, le cercle familial apparaissait comme un noyau préservé, comme le microcosme originel sur lequel on allait pouvoir reconstruire un ordre politique, social et culturel. Les grands idéologues de la contre-révolution, de Maistre ou Bonald, insistèrent sur le rôle de la famille. [...]
[...] L'insurrection vendéenne de 1793, initialement rurale, est ensuite rejointe, à la demande des paysans, par les Charrette, Bonchamps ou d'Elbée, lesquels rallient l'insurrection parfois avec beaucoup de scepticisme (Charrette surtout). Dans les semaines qui suivirent, l'armée catholique et royale créa un point de ralliement pour beaucoup de nobles qui désiraient apporter leur concours à la cause du Roi. C'est ainsi que certains émigrés, déçus par les Armées des Princes, revinrent en France, convaincus d'avoir trouvé une véritable cause à défendre sur leur terre natale. La noblesse sur les routes européennes L'émigration : une mode ou une nécessité[20] ? Il est extrêmement complexe de quantifier le flot des émigrés[21]. [...]
[...] Ainsi, grisés par le pouvoir et se voulant les garants de l'unité fondamentale, les juges avaient transformé l'opinion en jury, institution antithétique des principes mêmes de l'absolutisme. Jusqu'à l'appel aux Etats Généraux comme jury suprême La noblesse était-elle donc devenue révolutionnaire à la veille de 1789 ? La question peut surprendre, mais l'évolution d'une partie de la noblesse de robe, et plus globalement de la noblesse urbaine, amène à poser la question, même si la noblesse est loin de constituer un bloc homogène en 1789. [...]
[...] Henke, Coblentz/Coblence : symbole pour la Contre-révolution et l'émigration française dans l'électorat de Trêves dans La Contre- révolution en Europe. Réalités politiques et sociales, résonances culturelles et idéologiques, Jean-Clément Martin (dir.), Presses Universitaires de Rennes, Rennes 132. Karine Rance, L'émigration française en Allemagne : une migration de maintien (1789 1815) in Genèses, mars 1998, pages 5 29. Sur une grande figure du combat émigré, voir aussi Jean-Paul Bertaud, Le Duc d'Enghien, Paris, Fayard La première strophe en est la suivante : Jour de bonheur, de gloire et d'espérance / Entendez-vous le clairon des combat ? [...]
[...] Pierre-Yves Beaurepaire (dir.), La Plume et la Toile. Pouvoirs et réseaux de correspondance dans l'Europe des Lumières, Artois Presses Université Daniel Roche, Humeurs vagabondes, de la civilisation des hommes et de l'utilité des voyages, Paris, Fayard Olivier Chaline, Godart de Belbeuf. Le Parlement, le roi et les Normands, Editions Bertout Le procureur général du parlement de Rouen est ainsi en mesure de se battre en faveur d'une ordonnance qui exige l'exil des morts des Eglises, mais aussi de refuser un autre édit accordant un état-civil aux non-catholiques Jean Egret, La pré-révolution française, Paris Anne de Mathan, L'aristocrate, l'antinobilisme et la Révolution. [...]
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