L'année 1871 signe incontestablement la défaite de la nation française en faveur de l'impitoyable adversaire prussien qui installe ses troupes dans le territoire français et assiège la capitale: le coup porté à la fierté nationale est féroce. En effet, le peuple français, mu par un fervent patriotisme: sentiment d'attachement à la patrie qui, qu'elle soit natale ou d'adoption, pousse les patriotes à vouloir la servir et la défendre au prix même de leur vie. Ce patriotisme s'occupe de cultiver l'unité de la nation et de pleurer la perte des deux provinces confisquées par l'ennemi allemand en 1871: l'Alsace et la Lorraine. Progressivement, ce patriotisme blessé et désireux de prendre sa revanche voit naitre un mouvement parallèle, plus excessif et offensif: il s'agit du nationalisme, exaltation du sentiment national et attachement passionné à la nation conduisant à un ultra patriotisme autoritaire qui, dès cette même année 1871 et l'instauration de la IIIème République, s'oriente vers l'extrême droite. Ce nationalisme qui s'enracine véritablement dans les années 1890 s'établit grâce à une situation de crise sociale et d'instabilité ministérielle, où la population désillusionnée et en proie à un profond malaise se détourne du patriotisme exacerbé pour exprimer sa colère et trouver un accusateur au sein du nationalisme. Néanmoins, ce nationalisme qui fâche, rejette et divise les Français sera écarté de la scène politique lors du rassemblement des Français dans un nouvel élan patriotique dès les années 1905 lorsque la menace d'une guerre fait surface. Une menace que le peuple français se doit d'éviter pour espérer sauver la nation et la patrie.
Nous pourrons donc nous demander en quoi ces deux mouvements à la fois similaires et opposés s'influencent et se rejettent en même temps, comme deux entités contradictoires qui ne peuvent fonctionner ensemble, de la défaite française en 1871 jusqu'à l'aube de la Première Guerre mondiale?
[...] Ce clan dreyfusiste s'est donc efforcé de refaire du patriotisme le mouvement effervescent du peuple et non l'ultra-patriotisme haineux qui pousse les Français, ces patriotes courageux, mais provisoirement aveuglés par la désillusion et la rancœur, à attaquer leur propre patrie en vouant une guerre intrinsèque à certains de leurs compatriotes. Dès 1905, la multiplication des menaces internationales qui laisse planer l'hypothèse d'une guerre prochaine décide les patriotes français à mettre de côté leurs haines raciales afin d'établir un consensus de rassemblement s'appuyant de nouveau sur les bases d'un patriotisme exacerbé qui rejette de fait le nationalisme antisémite, favorisant ainsi l'émergence d'un nouveau nationalisme ouvert. [...]
[...] Cette lutte du patriotisme et du nationalisme se conclut cependant sur l'articulation de ces deux mêmes mouvements dès la montée des tensions internationales en 1905, incitant les Français à se réinvestir dans un patriotisme formé d'amour de la patrie et de ferveur protectrice. Or, ce même patriotisme renaissant des menaces extérieures à venir semble être doublé d'un nationalisme prônant l'exaltation du sentiment national et incitant la patrie française à adopter une attitude offensive et autoritaire envers les nations étrangères: adversaires et futurs ennemis potentiels. [...]
[...] Ce nationalisme xénophobe qui s'appuie sur une haine raciale prend, tout en étouffant l'élan patriotique d'antan, de plus en plus d'ampleur dès l'année 1890, année fructueuse qui le révèle et le propulse définitivement dans la France entière. Un patriotisme anti-nationaliste de résistance tardive se met alors en place à partir du moment où le nationalisme antisémite atteint une dangereuse apogée, lors de l'affaire Dreyfus en 1894. Dès les années 1890, la France voit se développer et se répandre une certaine forme de nationalisme fondée sur le racisme et le rejet de la population juive: l'antisémitisme. [...]
[...] Ce tout nouveau nationalisme conservateur, qui se veut le représentant d'une France inquiète et profondément pessimiste, construit son propos sur les responsables de la décadence de la nation et déclare que la cause de la défaite doit être recherchée dans les effets nocifs du suffrage universel. Ainsi, ce nationalisme de la fin des années 1880 accuse la République, la démocratie et le suffrage universel même de menacer les fondements de la société, et consolident de plus en plus leur ultra patriotisme haineux et extrémiste autour d'un projet de mise en place d'une République absolue Cette tendance au rejet interne évoluera progressivement en méfiance et haine raciale autour de la nouvelle crainte que pose le péril juif Après que le patriotisme revanchard se soit imposé dès les premières années qui suivent la défaite de la France contre la Prusse en 1871, le nationalisme extrémiste qui prenait sa source au sein du mouvement gauchiste bascule progressivement vers une droite extrémiste et antisémite. [...]
[...] Dans un souci de préserver la paix à tout prix s'opère une convergence entre les Français républicains et les conservateurs, qui s'achève en Union Sacrée en août 1914. Ainsi, des mouvements militaires favorables à la paix menés par des personnalités politiques telles que le socialiste Jean Jaurès, l'anarchiste Auguste Vaillant ou encore le syndicaliste socialiste Jean Allemane démontrent l'amour patriotique qui pousse ces valeureux patriotes français à protéger leur patrie des destructions guerrières et d'une autre humiliation nationale potentielle. Même les socialistes qui rejettent tout d'abord la patrie, la considérant comme la marâtre des pauvres luttent contre la menace de la guerre et estiment que la lutte pour la paix devient plus urgente que la lutte sociale. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture