Une erreur judiciaire, la condamnation, en 1894, pour espionnage au profit de l'Allemagne du capitaine Alfred Dreyfus, provoqua, en France, un conflit idéologique et intellectuel majeur. « L'Affaire » éclate en 1898, et plonge dans le passé comme un rejeu de cette fracture qui, depuis 1789, divise la France et que les républicains modérés n'ont pu effacer.
D'un côté, les dreyfusards, appuyés sur des corps constitués comme l'Armée et l'Eglise, prétendent incarner la patrie avec intransigeance, et défendent l'autorité de la chose jugée. Pour eux, Dreyfus est le Juif, traître nécessaire et désigné par ses origines doubles mêmes (Juif et Alsacien), bouc émissaire symboliquement responsable des malheurs et des frustrations de couches sociales marginalisées par l'évolution économique.
Au contraire, les dreyfusards combattent pour l'innocence d'un homme, se réclamant de la Justice et du Droit.
Mais surtout, plus que tout, l'Affaire annonce l'avenir. Elle contraint la République à revenir au militantisme de ses origines, et signe ainsi la fin des compromis modérés. Elle recompose le paysage politique, dont les intellectuels font désormais partie, et accélère l'évolution de la droite du conservatisme clérical au nationalisme belliciste, inaugurant ainsi la terrible première moitié du XXe siècle.
[...] Ils ont une certaine forme d'éternité Car, en effet, la résonnance de l'Affaire réside dans l'homologie entre l'Affaire Dreyfus et certains événements postérieurs, à savoir trois périodes de luttes intestines : les années 1934-1939, l'époque de Vichy et le temps de la guerre d'Algérie. On y retrouve, peu ou prou, l'affrontement de deux forces dont l'Affaire Dreyfus a favorisé l'émergence : une nouvelle cléricature les intellectuels, et une nouvelle droite le nationalisme. Mais peut-on qualifier ce néo- nationalisme de nouvelle droite ? Ses principaux hérauts viennent d'horizons divers. [...]
[...] Tout d'abord, il y a l'antisémitisme pur et dur, comme c'est le cas avec Drumont. Pour eux, ce qui prime c'est que Dreyfus ne peut être autre chose que coupable car il est Juif. Enfin, il y a la corrélation avec le nationalisme républicain, qui anime principalement Barrès. Pour eux, Dreyfus, même s'il est innocent, ne peut être rejugé et acquitté. En effet, cela reviendrait à remettre en doute une décision prise par l'armée, qui est l'une des clés de voûte du régime républicain. [...]
[...] Si certains sont passés par la gauche, parfois radicale (Rochefort, Déroulède, Barrès), aucun n'est issu des vieilles droites S'agit-il alors d'un pré-fascisme ? Nationalisme d'exclusion, à fondement biologique, antisémitisme, antiparlementarisme et volonté d'un pouvoir fort, culte de l'armée : autant d'éléments qui, selon Zeev Sternhell, permettent de parler d'origine française du fasciste Bibliographie Azéma JP, Winock Michel : La IIIème République, Le Livre de Poche, Collection Pluriel, Bernanos George : La Grande peur des Bien-pensants, Le Livre de Poche, Collection Biblio, Demier Francis : La France du XIXème siècle, 1814-1914, Seuil, Point Histoire, Girardet Raoul : Le nationalisme français, 1871-1914, Seuil, Point Histoire Leduc Jean : L'enracinement de la République, 1879-1918, Hachette, Collection Carré Histoire, Miquel Pierre : L'Affaire Dreyfus, PUF Que-sais-je ? [...]
[...] Des hommes politiques les rejoignent, derrière Scheurer-Kestner, viennent Briand, Jaurès et le sénateur progressiste de la Girond, Ludovic Trarieux. C'est ce dernier qui crée la Ligue des Droits de l'Homme et du citoyen, en février 1898. Cette ligue entend défendre les droits de l'individu au nom de la vérité et de la justice contre les tenants de la raison d'Etat, créant des comités en province, souvent avec l'appui des loges maçonniques et jouant ainsi un rôle structurant dans le mouvement dreyfusard. [...]
[...] De fait, les tentatives de séduction faites par Drumont, son journal, ses amis auprès des socialistes, sont définitivement vouées à l'échec. Des racines des ligues L'agitation des révisionnistes, des pétitionnaires, des défenseurs de Zola, provoque en retour la lente constitution d'un camp antidreyfusard. C'est Barrès qui prend la tête des hommes de lettres hostiles à la révision, et les antidreyfusards ont aussi leurs propres ligues : à la Ligue antisémite de Drumont et de Guérin se joignent la Ligue des Patriotes et un Comité d'Action Française créé en avril 1898 par Maurice Pujo et Henri Vaugeois. [...]
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