Jusqu'à une époque très récente (quelques années tout au plus), les catholiques, en Irlande du Nord, sont les victimes d'une politique unioniste discriminatoire. Le conflit nordirlandais, qui éclate à la fin des années 1960, découle essentiellement des revendications sociales et politiques des Catholiques, principalement liées à la discrimination, voire à la ségrégation en ce qui concerne le logement, l'éducation, l'emploi, et même la participation politique, notamment le droit de vote. Dès lors, un processus de cristallisation des identités exclusives est enclenché : aujourd'hui encore, les catholiques considèrent que leur identité
irlandaise héritée du passé est l'une des rares choses auxquelles ils peuvent se rattacher. En
outre le conflit identitaire engendré par les inégalités au sein de la société n'est toujours pas
résolu, quand bien même les Catholiques disposent aujourd'hui des mêmes droits que les
Protestants. On peut alors observer une volonté perpétuelle de différenciation de la part des
nationalistes, qui, par la mobilisation d'une histoire et d'une tradition particulières, cherchent
à légitimer leur orientation politique.
Ainsi, si la lutte armée est bien terminé, la lutte pour la reconnaissance identitaire est toujours d'actualité : en effet, l'identité Irlandaise, revendiquée par les nationalistes catholiques, est fortement dépréciée en Ulster. Le nationalisme Nord-Irlandais, aujourd'hui, reste fortement marqué par l'héritage de l'histoire irlandaise, lourde de révoltes et de répressions, et engagée depuis trois siècles sur la voie de la création nationale. La situation même en Irlande du Nord, les Troubles, puis le processus de paix engagé dès les années 1990,
découlent directement de l'histoire de la lutte pour l'indépendance de la nation irlandaise. Lors de la Partition en 1922, l'Irlande obtient son indépendance, mais 6 comtés du Nord, à majorité protestante, restent rattachés au Royaume-Uni. Et on considère que le combat contre « l'oppresseur » britannique ne s'achèvera que lorsque l'Ulster sera attaché à la République d'Irlande, lorsque la nation irlandaise sera enfin réunie sous une même bannière.
On fait aujourd'hui de la culture l'arme d'un combat désormais pacifique, car c'est l'intégrité culturelle irlandaise que l'on dit être ici en jeu. Les nationalistes d'Ulster, considèrent leur identité menacée, voire directement attaquée, par les britanniques incarnés en Irlande du Nord par les Protestants unionistes. Ce sentiment de menace exacerbe l'attachement à la communauté catholique de référence, ainsi que la volonté de revendication
qui en découle, lesquels s'expriment alors à travers la culture populaire. En effet, la situation de domination ressentie par les Irlandais d'Ulster constitue un terrain particulièrement favorable à des pratiques culturelles folklorisantes. Les acteurs et créateurs de ces manifestations deviennent ainsi les leaders implicitement désignés de ces mouvements
d'affirmation.
Alors, les interrogations liées au terme de résonance pourraient ici trouver leur place dans une perspective temporelle. En effet, les stratégies de légitimation de la cause nationale irlandaise en Ulster (Cause of Ireland) mobilisent à la fois le passé et le présent, mais aussi les ambitions pour le futur, à travers des processus d'emprunt d'éléments de culture dits traditionnels, de déformation, transformation, adaptation mais aussi amplification. Mais le principe de résonance, calqué ici sur son acception « sonore », peut il en tant que tel rendre
compte de ces initiatives politiques ? Nous chercherons des éléments de réponse dans
l'observation des pratiques qui manifestent clairement cette sollicitation du passé pour la
défense d'une cause actuelle, mais considérée comme intemporelle.
[...] La fabrication de la mémoire collective : la Great Escape En Irlande du Nord, les faits historiques ne sont pas les seuls à être instrumentalisés et réinventés. En effet, les faits de mémoire font aussi l'objet de manipulations, comme si on cherchait à transposer la mémoire individuelle sur le plan collectif. Plus encore, on constate qu'il existe une volonté d'historiciser cette mémoire. On considérera ici que le fait de mémoire est un fait en général, anecdotique, et non reconnu sur le plan académique comme relevant de l'histoire. [...]
[...] On observe comme une attitude de recueillement, un silence religieux règne lorsque les chanteurs (artistes ou amateurs) montent sur scène. Mais les airs irlandais côtoient ici des chants basques, catalans (des activistes de ces deux causes sont présents) et sur le mur, derrière la scène, des drapeaux : le tricolore irlandais, bien entendu, mais il est encadré par les drapeaux palestinien et basque. On constate ainsi que la nationalisme nord-irlandais n'est pas seulement un combat local : à travers la solidarité envers d'autres peuples ou groupes nationaux qui, eux aussi, recherchent une légitimité, se construit une sorte de mythe de l'oppression partagé par tous, et qui, de fait, devient une cause supérieure, un combat pour la liberté. [...]
[...] Les orateurs du moment incarnent la cause nationaliste dans toute sa splendeur, et se présentent comme exemples de patriotisme. De plus, tout le monde, dans l'assemblée peut se rattacher (par des liens de sang ou d'amitié) aux héros de la Great Escape, l'identification et l'adhésion à l'intérêt défendu n'en sont donc que plus faciles. Le récit et la mise en scène de la grandeur de la nation, à travers la narration des exploits de ces héros, constituent une entrée en tradition, qui permet alors l'émergence d'un, désir d'affirmation, d'engagement, en vue d'un changement profond et durable : Entre l'expérience vécue et le récit, il est bien souvent difficile de dire ce qui est le plus moteur, ce qui domine. [...]
[...] Lors de la Partition en 1922, l'Irlande obtient son indépendance, mais 6 comtés du Nord, à majorité protestante, restent rattachés au Royaume-Uni. Et on considère que le combat contre l'oppresseur britannique ne s'achèvera que lorsque l'Ulster sera attaché à la République d'Irlande, lorsque la nation irlandaise sera enfin réunie sous une même bannière. On fait aujourd'hui de la culture l'arme d'un combat désormais pacifique, car c'est l'intégrité culturelle irlandaise que l'on dit être ici en jeu. Les nationalistes d'Ulster, considèrent leur identité menacée, voire directement attaquée, par les britanniques incarnés en Irlande du Nord par les Protestants unionistes. [...]
[...] KORNPROBST (Markus), Episteme, nation-builders and national identity : the reconstruction of Irishness in. Nations and nationalism, vol pp. 403-421. LEVINGER (Matthew), FRANKLIN LYTLE (Paula). Myth and mobilisation : the triadic structure of nationalist rhetoric in. Nations and nationalism, vol.7, pp. 175-194. O'MAHONY (Patrick), DELANTY (Gerard). [...]
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