Depuis le début du XXe siècle, les nationalisations sont un objet de la lutte des classes, et l'importance de leur enjeu les replace sans cesse sur le devant de la scène publique.
La nationalisation se distingue de l'étatisation en ce qu'elle est appropriation collective par la nation, et que les forces productrices et les consommateurs doivent intervenir dans la gestion de l'entreprise nationalisée au même titre que l'Etat.
En France, la première nationalisation à caractère économique a eu lieu en 1907 (Compagnie ferroviaire de l'Ouest). Il s'agissait alors pour l'Etat de voler au secours des entreprises en difficulté financière, mais les nationalisations demeurent exceptionnelles. Jusque dans les années 1930, la nationalisation n'est pas une revendication majeure.
Dès 1936 (le 11 août), le Front populaire nationalise quelques usines d'armement, ainsi que les chemins de fer en créant la SNCF le 31 août 1937. A partir de cette période s'ouvre un véritable débat sur les modalités et les buts à donner aux nationalisations.
Pendant la guerre, beaucoup vont collaborer et selon l'écrivain François Mauriac, « Seule la classe ouvrière est restée fidèle à la patrie profanée ».
Au sein de la Résistance émerge alors l'idée qu'il faut exproprier les collabos, confisquer leurs biens et redonner à la nation des moyens de relever le pays, de préserver son indépendance et ainsi de favoriser le retour à une République démocratique.
A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, le constat que l'initiative privée ne s'est pas montrée capable d'enrayer le chômage et de relancer la production, allié à la persistance des pénuries, fait apparaître la nationalisation comme une nécessité.
Les grandes lignes de ce second mouvement de nationalisation ont été définies en 1944 dans le programme du Conseil National de la Résistance, qui a servi de base à la politique de reconstruction menée à la Libération par le Gouvernement provisoire de la République française.
Malgré la disparité des motifs en faveur des nationalisations, comment se sont-elles réalisées et quelles ont été leurs conséquences pour la société française?
En dépit des divergences d'opinion sur la question des nationalisations, nous verrons qu'un consensus a pu se former et s'incarner dans le programme du CNR. Cependant, nous remarquerons que la mise en œuvre des nationalisations s'est faite de manière hétérogène et a rencontré un certain nombre de difficultés lors de son application. Enfin, nous nous pencherons sur les premiers résultats de ces nationalisations, visibles dès l'année 1947, et qui ont nourri les débats tout en soulevant les problèmes causés par les nationalisations.
[...] Ceci était une réponse aux aspirations des peuples à s'investir dans la gestion des affaires de leur pays, mais l'impact démocratique fut cependant moins fort qu'en France, où le poids de la Résistance a été déterminant. [...]
[...] Ceci marque le fossé qui sépare l'année l948 des nationalisations des années 1944-1946. Ainsi l'Etat n'est plus propriétaire mais devient juste actionnaire. Sur le plan politique, la mise en œuvre de la nationalisation reste le fruit de consensus et dépend du rapport de force. Des modérés comme René Pleven ont honoré, en 1946, la signature qu'ils avaient donnée, en 1944, au programme du CNR : en ce sens, le consensus dont bénéficient les nationalisations prolonge l'union de la Résistance. Aux difficultés juridiques et politiques s'ajoutent de réels obstacles sociaux, économiques et financiers. [...]
[...] Les hauts fonctionnaires des Finances jugent le coût des nationalisations prohibitif. Au vu du principe d'indemnisation, l'Etat est obligé de verser de lourdes indemnités. Un Bilan Mitigé des nationalisations Les nationalisations, qui bénéficiaient du large soutien de la population au lendemain de la guerre, essuient donc plusieurs critiques après leur mise en œuvre. Parmi elles, les principales sont leur manque de rentabilité et le problème de l'indemnisation due aux actionnaires et aux entrepreneurs, qui se sont sentis spoliés par les nationalisations. [...]
[...] Les principales critiques faites aux nationalisations portent d'abord sur le risque qu'elles comportent pour les libertés individuelles et collectives : ce risque est lié à la centralisation des pouvoirs et au développement de la démocratie. Ensuite les nationalisations sont qualifiées d'inefficaces sur le plan économique. Cette inefficacité a été d'autant plus grande que la France s'est depuis intégrée à l'ensemble des pays capitalistes. Finalement dues aux nationalisations, les indemnisations des actionnaires risquent de ne pas correspondre à la valeur réelle des patrimoines et de coûter cher aux contribuables. [...]
[...] Les socialistes proposent donc en juillet 1943 leur projet économique et social au CNR, qui refuse de l'adopter. D'une part, les communistes craignent que ce programme entraîne des divisions au sein de la résistance et doutent que les nationalisations apportent un véritable changement de régime social, comme le pensent certains socialistes (tels que Jules Moch). D'autre part, la droite libérale représentée au CNR par Joseph Laniel (Alliance démocratique) s'oppose catégoriquement aux nationalisations, estimant au contraire que la nécessité s'impose de revenir au plus vite au libéralisme total Mais si les partis politiques campent sur leurs positions, de nouveaux acteurs politiques sans parti, regroupés dans des mouvements de résistance, vont soutenir le projet de nationalisation et permettre sa concrétisation. [...]
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