« Entreprise absurde. Elle ne durera pas six mois ». En prononçant ces mots au cours de l'année 1908, le nationaliste Maurice Barrès ne se doute pas que « l'entreprise » qu'il semble traiter avec tant de dédain, le journal de l'Action française, deviendra progressivement le support d'un courant clef pour la pensée nationaliste de la première moitié du XXe siècle.
Structuré autour d'un leader charismatique, Charles Maurras, le mouvement de l'Action française naît à la fin du XIXe siècle. Nous nous proposons donc d'analyser le processus de structuration de l'Action française entre 1898 et 1908 et de ne pas étudier spécifiquement la création de l'une de ces structures.
Evoquer l'Action française c'est ainsi parler d'un courant politique majeur dans l'histoire des idéologies politiques françaises. Comme l'affirme, par exemple, Jacques Prévotat, « l'influence intellectuelle de l'Action française à la fin du premier conflit mondial n'a d'égale que celle dont jouit le Parti communiste à la fin du second ». Le journal de l'Action française restera, de plus, une référence intellectuelle fondamentale jusqu'à sa disparition en 1944 suite à des accusations de connivence avec le régime nazi. Certains disciples de Maurras, tout aussi monarchistes que lui, tels que Bertrand Renouvin, tenteront d'ailleurs de faire survivre le mouvement même s'il est vrai que la fin de la Seconde Guerre Mondiale représente une réelle césure dans l'influence de l'idéologie maurrassienne.
La naissance de l'Action française s'avère être un objet d'étude intéressant car c'est par la genèse de ce mouvement que l'on peut ensuite prétendre expliquer sa réussite.
[...] Une organisation primitive bégayante Si le Comité d'Action française naît dès avril 1898, il commence par se fondre dans une autre structure, la Ligue de la Patrie française, fondée à la fin du mois de décembre de la même année. Nous verrons néanmoins que l'Action française prend réellement de l'importance suite à un processus de radicalisation par rapport à cette ligue. Nous comprendrons aussi que radicalisation n'est pas synonyme d'homogénéisation : le mouvement de l'Action française reste, à l'orée du XXème siècle, une organisation foncièrement éparse et présentant un vide idéologique indéniable. L'Action française, le fruit d'une radicalisation d'une frange de la Ligue de la Patrie française. [...]
[...] Cette école de pensée prend, dès son origine, des caractéristiques qui lui sont propres, que ce soit sur le fond de ses idées mais aussi sous sa forme. Conservatrice idéologiquement parlant, refusant totalement l'héritage révolutionnaire à la différence d'un Barrès, elle réussit à apparaitre comme un mouvement neuf du fait de son énergie volontariste. Alors que le monarchisme semblait condamné au début du XXème siècle, elle bouleverse les milieux nationalistes en leur apportant une doctrine cohérente et systématique. Comme le démontre Michel Winock l'Action française reste une coupure dans l'histoire du nationalisme. [...]
[...] - 20 juin 1899: Une réunion publique Rue d'Athènes à Paris marque la naissance officielle du Comité de l'Action française. - 10 juillet 1899 : Fondation de revue bimensuelle La Revue de l'Action française. (surnommée la petite revue grise - 1900 : Publication de l'Enquête sur la Monarchie de Maurras dans La Gazette de France. - Décembre 1903 : conférence de l'Action française à Poitiers. - 18 mars 1905 : La Bataille de Fustel - 1905 : Création Ligue d'Action française afin de lever des fonds. - 21 mars 1908 : Parution du quotidien l'Action française ( exemplaires édités. [...]
[...] La naissance de l'Action française s'avère être un objet d'étude intéressant car c'est par la genèse de ce mouvement que l'on peut ensuite prétendre expliquer sa réussite. C'est aussi la période durant laquelle les principaux traits caractéristiques de l'Action française se forgent car, comme le démontre, par exemple, Philippe Boutry, Maurras n'est pas de ceux dont la pensée, souple et ductile, évolue au gré des circonstances : il est l'homme des cohérences intellectuelles Si, comme nous le verrons, l'idéologie maurrassienne n'a pas toujours résumé la doctrine de l'Action française, cette citation met en évidence la nécessité d'historiciser le maurrassisme, de revenir à son contexte d'émergence afin d'en comprendre les racines. [...]
[...] Bimensuel dont le premier numéro paraît le 20 juin 1899 et reste, dans un premier temps, peu diffusé. VAUGEOIS, Henri, Notre antisémitisme in Revue de l'Action française, août 1900. REMOND, René, Les droites en France, Paris, Aubier (réed), p 170. MAURRAS, Charles, Enquête sur la monarchie WINOCK, Michel, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Paris, Seuil p 30. Revue d'Action française, Numéro de la première quinzaine de janvier 1905. PAUGAM, Jacques, L'Age d'or du maurrassisme, Paris, Denoël p. Notamment lors des élections de 1919 et de 1924. [...]
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