Mythe républicain de la virilité, idéal militaire, Troisième République, expérience de la guerre, système de valeurs, ordre social, donnée biologique, ensemble de normes, Jean-Baptiste Fonssagrives, L'Éducation physique des garçons, ministère de la Guerre, initiation militaire, identité masculine, Odile Roynette, mythe militaro-viril, Algérie, Première Guerre mondiale, obligation militaire, George Mosse, impôt du sang, traité de Versailles, période coloniale, François Killar, La Bête humaine, Jean Renoir
La virilité n'est pas seulement la combinaison d'attributs individuels. Elle a aussi sa place comme système de valeurs dans un ordre social. Elle implique une hiérarchisation des individus puisqu'elle produit la domination des hommes sur celles et ceux qui ne le sont pas. Sous la Troisième République (1870-1940) comme à d'autres époques, elle ne constitue pas tant une donnée biologique (serait alors viril tout individu de sexe masculin) qu'un ensemble de qualités morales qu'il convient d'acquérir, de préserver, et dont les hommes doivent savoir faire la preuve. Elle est un ensemble de normes ; c'est pourquoi elle n'est pas synonyme de masculinité, et ne se définit pas seulement par opposition à la féminité. Au début des années 1870, la virilité s'épanouit dans la lignée du XVIIIe siècle et des savants naturalistes qui imposent explicitement à l'homme de se sentir membre de l'espèce qui domine la Création. Dans cette perspective, la virilité s'identifie à la grandeur, à la supériorité, à l'honneur, à la force, à la maîtrise de soi, au sens du sacrifice, au savoir mourir pour ses valeurs. À la veille du second conflit mondial, les figures et les objets de l'admiration virile se sont modifiés. L'illustration guerrière a peu à peu perdu de son prestige, de même que le devoir et le savoir mourir pour la patrie sont devenus obsolètes.
[...] À cette obligation militaire s'ajoute celle de la mort pour la patrie. Ainsi l'historien George Mosse écrit-il que « La mort, le sacrifice et la patrie formaient désormais une triade qui resterait en place comme la première épreuve de la virilité ». C'est bien ce qui se joue lors de l'été 1914, au cours duquel l'acquittement de l'« impôt du sang » (selon la formule de l'historien Stéphane Audoin-Rouzeau) n'est pas discuté, car indiscutable. C'est bien un modèle de virilité guerrière qui emporte tout sur son passage. [...]
[...] Cependant, le fondement militaire de la virilité est mis à mal lors de l'entrée en guerre en 1914, face à une image nouvelle et moderne des combats. 1914-1918 : La virilité écornée pendant la Première Guerre mondiale En effet, au cours des quatre années de guerre, la virilité des 70 millions d'hommes mis sous les drapeaux, est évaluée à travers leur capacité (ou non) à affronter vaillamment les batailles et la peur, à faire face au risque de blessures, d'agonie, de mort. [...]
[...] Problématique : Dans quelle mesure le mythe républicain de la virilité, bâti et entretenu d'après un idéal militaire, entre-t-il, sous la Troisième République, en tension avec l'expérience de la guerre ? 1870-1914 : La virilité conçue d'après un imaginaire militaire Au début de la Troisième République, le référent viril républicain est rattaché de plus en plus étroitement à un ethos guerrier. En effet, à cette période l'âge viril se prépare dès l'enfance. Comme l'écrit le médecin Jean-Baptiste Fonssagrives dans son ouvrage L'Éducation physique des garçons en 1870 : « La jeunesse n'est qu'un voyage vers la virilité ; il faut toujours voir ce but et rien que ce but. [...]
[...] Les savoir-faire issus de l'entraînement et de l'expérience, les ressources issues du courage physique, pèsent peu désormais, face au feu anonyme, aveugle, qui caractérise le combat des tranchées : avant tout, il faut subir et tenter de survivre à la « boucherie », à « l'abattoir ». Ainsi, les réalités du champ de bataille sont-elles bien de nature à démystifier jusqu'à la racine le stéréotype de la virilité guerrière. La guerre dévirilise de manière inédite les soldats, à la fois physiquement et symboliquement. [...]
[...] Ainsi, la militarisation de la virilité, acquise bien avant la Grande Guerre, est certes écornée par l'expérience du premier conflit mondial, tout au moins à long terme, mais elle n'est pas détruite par celui-ci ; plutôt paradoxalement refondée. C'est ce nouveau fondement porteur d'une volonté de sauver la grandeur et l'unité de la Nation qui, mis face à une déstabilisation sociale liée à la guerre, provoque le début d'un essoufflement de la virilité dès les années 1920. 1919-1940 : L'aube d'un essoufflement du mythe viril Au début du XXe siècle, l'école n'intervient véritablement que de deux manières dans la formation virile du garçon : par l'éducation physique et, de façon moins explicite, par l'enseignement des humanités classiques dispensé au lycée. [...]
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