C'est un mythe profondément daté, dont la ferveur, aujourd'hui apaisée, doit être saisie dans une perspective historique mettant en lumière le lent passage de la figure littéraire au mythe politique (I). Ce mythe politique devient dès lors un enjeu de mémoire dans la lutte des « deux France » (II). Jeanne constitue ainsi un élément important du nationalisme français (III)
[...] Ainsi, seule la République peut glorifier Jeanne d'Arc. Un extrait d'un discours de la loge maçonnique Travail et vrais amis fidèles reflète bien l'état d'esprit des libres penseurs et des francs maçons de l'époque : le 30 Mai, l'Eglise fit brûler JA hérétique et relapse. Le clergé était en cela logique avec lui-même, puisqu‘en obéissant à ses voix particulières, JA n'écoutait en réalité que sa conscience individuelle, qui lui commandait de sauver la France. C'était une révoltée, croyant en elle- même en dépit des théologiens. [...]
[...] C'est dans ce contexte que l'on peut appréhender la redécouverte de Jeanne d'Arc par les historiens, et au premier chef, Michelet. A. Entre mythe et histoire : la Jeanne d'Arc de Michelet Le cas de Michelet est particulièrement intéressant parce qu'il prétend appliquer sa fameuse méthodologie historique à Jeanne d'Arc alors que cela est très contestable, puisqu'on sait qu'il n'a utilisé que des sources de deuxième main. Sa présentation a été vivement contestée, et ce par des historiens de l'époque, mais son but a été atteint : faire aimer Jeanne d'Arc et à travers elle, la France. [...]
[...] Ce mot qui va au cœur, c'est la première fois qu'on le dit. Pour la première fois on le sent, la France est aimée comme une personne. Et elle devient telle qu‘elle, du jour qu'elle est aimée Elle aima tant la France ! Et la France, touchée, se mit à s'aimer elle-même Souvenons nous toujours, Français, que la Patrie, chez nous est née du cœur d'une femme, de sa tendresse et de ses larmes, du sang qu'elle a donné pour nous. [...]
[...] La très conservatrice Revue des Questions Historiques fait tout son possible pour sauver l'ancienne vision des choses, à la fois monarchiste et catholique. Les positivistes aussi s'intéressent à Jeanne. Auguste Comte dans un cours professé en 1846, recommande la digne glorification de notre héroïne Jeanne, comme une compensation à la honteuse apothéose décernée à Bonaparte. En 1848, Auguste Comte place Jeanne dans le calendrier positiviste et institue une théorie du culte de la patrie , où sera glorifiée la Femme prolétaire. [...]
[...] Cette histoire scientifique de Jeanne pose les fondements d'un débat politique. En effet, entre 1830 et 1860, Jeanne d'Arc passe du statut d'image stéréotypée, de figure littéraire au statut de figure identificatoire. Elle devient un moule que chacun façonne à sa manière. Un double culte de Jeanne s'instaure alors, à l'image de cette France duale, déchirée entre monarchistes et républicains à partir de 1870, chacun projetant ses propres idéaux en Jeanne. Jeanne d'Arc devient alors un enjeu de mémoire, objet d'un culte républicain et d'un culte religieux. [...]
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