Deux événements majeurs déterminent la genèse de ce courant : le vent de liberté généré par la Révolution française et l'expédition de Napoléon en Égypte. Fort d'un idéal révolutionnaire et des nouveaux rapports entre l'Église et la République, Bonaparte débarque en 1798. Il entreprend une réforme du droit et l'abolition du féodalisme, ouvrant à l'intelligentsia arabe une ère d'espoir.
Les trois années de présence française comportent deux impératifs. Pour Napoléon il s'agit, avant tout, de couper au Royaume-Uni la route des Indes. Ensuite, sous couvert d'une mission civilisatrice, scientifique et culturelle, il entend influer sur la région. Matti Moosa relate les débuts historiques des aspirations démocratiques et libérales à travers la masse littéraire de nombreux auteurs arabes durant l'occupation française de l'Égypte (1798-1801). Cette brève période est, à ses yeux, la première phase des liens entre pensée égyptienne et civilisation occidentale depuis les croisades.
[...] Al fikral arabî al hadith Athâr al Thawra al Fransiyya fi tawjîhihi al Sayâsi wal Ijtima'î. Beyrouth : Qantar p La suite des événements relève du choc entre puissances capitalistes et empire ottoman. C'est dans ce cadre que la conquête coloniale entend asservir la région en voie de balkanisation. Malgré l'intervention napoléonienne en Égypte, et son impact sur la genèse d'une renaissance arabe, le sentiment de tromperie alimente désormais la pensée arabe. Ce ressentiment s'amplifie encore lors du premier conflit mondial, à la veille duquel s'était constitué un axe germano-ottoman face aux Alliés franco-britanniques. [...]
[...] Leurs idées sont désormais stigmatisées, pour leur imitation servile du modèle européen. Dans les pays nouvellement indépendants, les intellectuels qui tentent d'en perpétuer les idées échouent à dynamiser la région. De l'extraordinaire essor intellectuel sombrant dans le mandat colonial, il ne persistera qu'une référence communautaire arabe. Son souvenir évoque, tout au plus, un reliquat idéologique réparti en vingt-deux consciences nationales. La suspicion envers les valeurs occidentales prive durablement la région d'une modernité indispensable au véritable réveil. Quant au progrès technique, estompé sous le poids de la concurrence face à l'Europe, il avait déjà sombré avec la flotte de Muhammad Ali. [...]
[...] Le 10 août 1920, le traité de Sèvres, planifiant le démembrement de l'Empire ottoman, est signé entre les Alliés et le Sultan. Mustafa Kemal réplique en encerclant Istanbul. Il agite le spectre d'une collusion kémalo-bolchévique, péril rouge qui avait déjà suscité l'angoisse des Occidentaux. Les journaux turcs en saisissent l'opportunité. Ils se font l'écho d'une stratégie qui déstabilise l'Alliance, et dont Atatürk retire les bénéfices Entre temps, l'armée turque se joue des Arméniens et des Grecs, dont la nouvelle offensive, mis en échec, pousse au rapprochement turco-français, avec la signature d'un accord, en 1921. [...]
[...] La spirale euro-arabe prend sa tournure coloniale (FIG. 4). Les plans élaborés par l'Europe industrielle, fin XVIIIe, trouvent leur concrétisation dans une complémentarité stratégique et économique. Ce tournant difficile draine un découragement toujours perceptible. Sentiment que Jacques Berque restitue en une simple phrase : le père vaincu et le moi humilié Le projet réformiste islamique de la seconde moitié du XIXe est amorcé dans le même contexte colonial que la Nahda profane (voir plus loin). L'Islâh bénéficie de l'échec du mouvement profane, en raison de sa forte référence religieuse qui, plus tard, profitera aux mouvements fondamentalistes. [...]
[...] Cette victoire permet aussi de briser la cohésion européenne, à propos de la suite à donner à la guerre. Initialement, le succès du leader turc résulte d'une mobilisation nationaliste, que Paul Dumont résume comme suit : malgré les menaces que faisaient planer les forces d'occupation, un puissant vent de révolte s'était soudain mis à souffler. Partout, les masses fanatisées répondaient à l'appel du chef spirituel. Après avoir atteint Ankara, l'insurrection marche sur Istanbul et, en juin 1920, Mustafa Kemal est pratiquement seul maître du pays. [...]
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