Quand la propagation du christianisme dans l'intérieur fut de nouveau autorisée par les traités de 1858-1860, après plus de 100 ans d'interdiction, l'activité des missionnaires chrétiens en Chine augmenta considérablement. En 1870, si les 436 missionnaires protestants n'avaient encore que 5 753 communiants à leur actif, 250 prêtres européens avaient la charge de quelque 370 000 ou 400 000 catholiques chinois (Cohen: 70).
Mais la vaste majorité des classes éduquées chinoises rejetaient le christianisme, d'une façon passive ou active. La position du christianisme en Chine, à la fin du XIXe siècle, était, en fait, extrêmement précaire, et il ne fut jamais bien accepté de la population : en témoignent les nombreux tracts et pamphlets (le plus notoire étant le Pi-hsieh-chi-shi) dénonçant toutes les atrocités, censées être commises par les missionnaires, ainsi que de nombreuses révoltes et actes de violence commis contre les chrétiens. Le massacre de Tientsin, en 1870 (21 étrangers et entre 30 et 40 convertis chinois furent affreusement torturés avant d'être mis à mort), fut ainsi la culmination d'une décennie de friction sino-étrangère, centrée sur l'activité missionnaire chrétienne.
Parallèlement, des traités, signés à la fin des années 1850, permirent aux premiers missionnaires protestants de faire leur entrée au Japon. Toutefois, ce n'est qu'après 1873 que l'interdiction de la religion chrétienne prit fin formellement. Même alors, le christianisme était à peine toléré par le gouvernement, critiqué par une grande partie de l'élite intellectuelle et politique, et craint par la masse du peuple (Scheiner: 7). Toutefois, dès 1880, les églises protestantes amorcèrent une croissance rapide qu'elles allaient conserver pendant dix ans. En 1879, on comptait 1617 croyants et 44 églises; en 1889, 34 000 convertis font marcher 300 églises, de nombreuses écoles, plusieurs universités chrétiennes importantes, et un des journaux majeurs de l'époque.
[...] Les chrétiens contribuèrent à la tradition de résistance morale à un gouvernement, quand aucune véritable opposition politique n'est possible, en faisant d'activités apolitiques un moyen efficace de défendre les idéaux de l'individualité (Scheiner: 247). Une des explications au manque de succès du christianisme en Chine est que le pourcentage de fonctionnaires et de lettrés qui adoptèrent la religion étrangère resta extrêmement réduit. Trois forces, au moins, travaillaient à encourager l'opposition naturelle des fonctionnaires au christianisme, et à les décourager de remplir leurs obligations impériales. Ils ne pouvaient, ainsi, ignorer l'opposition de la petite noblesse au christianisme qu'au risque de compromettre leur propre position. [...]
[...] Pourquoi les Missionnaires Chrétiens de la Fin du XIXe siècle eurent-ils plus de succès au Japon qu'en Chine? Quand la propagation du christianisme dans l'intérieur fut de nouveau autorisée par les traités de 1858-1860, après plus de 100 ans d'interdiction, l'activité des missionnaires chrétiens en Chine augmenta considérablement. En 1870, si les 436 missionnaires protestants n'avaient encore que communiants à leur actif prêtres européens avaient la charge de quelque ou catholiques chinois (Cohen: 70). Mais la vaste majorité des classes éduquées chinoises rejetaient le christianisme, d'une façon passive ou active. [...]
[...] L'aversion naturelle de la petite noblesse pour la doctrine chrétienne était, ainsi, étayée et intensifiée par sa rancoeur face aux intrusions des missionnaires sur son statut et son prestige traditionnels. C'est elle qui conduisit la campagne anti-chrétiens, inondant le pays de tracts de propagande, et poussant le peuple à l'insurrection et à la violence contre les chrétiens. Au Japon, en revanche, le succès des missionnaires chrétiens tient pour beaucoup dans le fait qu'ils réussirent à s'allier les ex-samouraïs. Dix ans après l'arrivée des missionnaires, de petits groupes de samouraïs, à la recherche du savoir et de la langue occidentale, commencèrent à se réunir autour des missions. [...]
[...] Si le christianisme a eu peu de succès en Chine, parce que l'influente petite noblesse a pris parti contre lui, il semble, toutefois, que les missionnaires chrétiens aient également joué un rôle critique dans la montée du sentiment anti-étranger dans la seconde moitié du XIXe siècle. Par les droits mêmes que leur conféraient les traités, les missionnaires s'attiraient, déjà, l'opposition de la petite noblesse. Mais beaucoup, notamment les catholiques français, s'appliquèrent à faire sentir leur pouvoir sur la scène locale, en abusant de leurs droits de traité, ou en les utilisant avec un minimum de discrétion? [...]
[...] Les missionnaires ont sans doute débarqué à un moment plus propice au Japon, ce qui leur a permis de s'allier l'ancienne classe des samouraïs, à la recherche d'un nouveau sens à sa vie, et d'un moyen de retrouver sa grandeur passée. Le pendant chinois des samouraïs, la petite noblesse, était, elle, encore solidement en place au moment de l'arrivée des missionnaires: elle n'avait rien à gagner par leur présence, et chercha à se débarrasser de ces intrus qui la menaçaient, au contraire. [...]
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