Le « désenchantement du monde » théorisé par Max Weber décrit très bien la crise du religieux – et du christianisme romain en particulier - dans la dernière partie du 19e siècle. Contestée du point de vu philosophique de l'extérieur – par le positivisme – aussi bien que de l'intérieur – par le modernisme- l'Eglise catholique voit aussi son pouvoir temporel disparaitre avec l'occupation de Rome. C'est alors une institution en danger qui se repli autour d'un intégrisme intransigeant qui fait de l'antilibéralisme militant sa raison d'être. Toutefois, c'est bien à partir de cet antilibéralisme que les catholiques sauront élaborer une leur vision de la modernité et proposer aux masses prolétaires et aux couches moyennes un projet de société ayant pour but la réforme sociale. Or, si la naissante « Démocratie chrétienne » aura du mal à investir le champ politique dans un contexte défavorable, c'est bien dans cette période de crise que l'Eglise catholique réussi à donner naissance à un réseau associatif et économique qui assurera non seulement son enracinement dans les sociétés contemporaines mais aussi le succès du militantisme catholique qui prendre en main l'Europe après les deux guerres mondiales.
On s'attachera donc à démontrer de quelle façon, à partir d'un rejet de la modernité bourgeoise, le catholicisme militant se fait porteur d'une doctrine sociale et politique capable d'influencer cette même modernité en se posant en alternative aussi bien à l'individualisme ploutocratique qu'au socialisme matérialiste.
[...] Cependant la tentative de l'Abbé Murri d'aller plus loin qu'une simple élection de catholiques dans les files des libéraux, ne saura pas aboutir. La Ligue démocratique nationale qui se proposait de défendre les intérêts des travailleurs et d'influencer dans un sens catholique l'action politique en s'opposant au clérico-modérantisme est condamnée par Pie X. cependant la présence de ce mouvement et le discours de Caltagirone de Don Sturzo, futur fondateur du Parti Populaire, témoignent bien la présence d'un courant démocrate-chrétien qui se propose de réunir les catholiques dans une aspiration autonome soucieuse de la question sociale. [...]
[...] La nécessité de rééquilibrer les rapports de forces dans les relations industrielles entre prolétaires- exploités et patrons-exploitants est aux yeux de Léon XIII fondamentale : il introduit ainsi dans la doctrine catholique un Droit d'intervention de l'Etat en faveur des plus démunis à côté du traditionnel appel à la charité. Toutefois, la méfiance à l'égard de l'Etat reste intacte et ce sont les corps intermédiaires à être mis en avant par le catholicisme social : il s'agit bien évidemment de la famille, mais surtout des organisations professionnelles. La principale cause de l'isolement des travailleurs et de leur misère est pour Léon XIII la suppression des corporations des métiers qui assuraient l'ordre social tout comme la juste rémunération pendant le Moyen Age. [...]
[...] Dès lors, on s'aperçoit que l'antilibéralisme du catholicisme social n'a pas naturellement vocation à s'intégrer à la démocratie libérale. Si l'illusion de démocratie libérale comme tautologie avait été niée par le bonapartisme, il en va de même pour le catholicisme militant de la fin du 19e : il ne s'agit pas pour les catholiques de promouvoir la souveraineté populaire à travers un gouvernement représentatif respectueux de la Rule of Law, mais d'assurer un ordre démocratique de justice sociale conformément à la doctrine de l'Église. [...]
[...] En effet, la condamnation de l'individualisme bourgeois fait de contrepoint à celle du socialisme matérialiste qui s'en prend au droit naturel de la propriété et à la famille en voulant substituer la providence paternelle à celle de l'Etat Une fois établis les principes qui doivent guider l'action des catholiques, faut-il encore encadrer d'un point de vue doctrinal les modalités de cette action, ce qui revient à réélaborer d'un point de vue catholique les libertés modernes. Le catholicisme social et les libertés modernes : une nécessaire synthèse On l'a vu, Léon XIII est bel et bien l'héritier de l'intransigeantisme du Syllabus. Toutefois, il se révèle un habile négociateur et diplomate qui, conseillé par le Cardinal Rampolla, comprend la nécessité de composer avec les régimes issus des Révolutions. [...]
[...] En France, c'est autour d'Albert de Mun et de l'intransigeantisme légitimiste qu'est lancé l'idée d'un parti catholique en 1885 qui revendique au nom de Jésus-Christ la réforme de la législation sociale ( ) la protection des petits et des faibles Cependant, la réception du projet par la droite parlementaire est pour le moins froide de peu que des revendications à la fois contre-révolutionnaires et sociales ne fassent éclater la droite française. De même, la stratégie de ralliement mise en avant par Léon XIII témoigne d'une méfiance envers la création d'un parti catholique qui ne pourrait qu'exaspérer les passions anticléricales. La naissance en 1896 d'un parti démocrate-chrétien est alors un échec. Le revirement de Pie X qui exclut le champ politique de la démocratie chrétienne ne peut qu'accentuer les difficultés. [...]
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