« La violence, sous quelque forme que ce soit, est un échec », a écrit Jean Paul Sartre, dans Le Diable et le Bon Dieu. Il semblerait que les militants politiques français en soient venus à cette même conclusion entre la fin du 19e siècle au milieu du 20e, puisqu'on observe durant cette période une pacification de la vie politique, avec l'affirmation d'un recours au consensus et au débat, plutôt qu'à l'affrontement, pour faire valoir ses idées. En fait, force est de constater que de manière générale, depuis le Moyen Âge, la violence des rapports humains a diminué, comme l'a montré l'historien de l'histoire moderne Robert Muchembled, mais ce processus semble s'être accéléré entre 1880 et 1970, notamment dans le champ politique. En effet, entre la fin du 19e siècle, forte période d'attentats anarchistes, d'antisémitisme, de grèves violentes, et les années 1960 qui se caractérisent par l'absence de conflits politiques vraiment violents (si on laisse de côté les événements très conjoncturels liés à la guerre d'Algérie), on assiste à une véritable diminution du recours à la violence par les militants. Cependant, ce constat ne peut être affirmé sans nuance et sans réserve, puisque le 20e siècle est loin d'être exempt de violence, les deux guerres mondiales, la Guerre Froide, la décolonisation ayant eu des conséquences dans le champ politique. Dans ce contexte, certains avancent, comme Nobert Elias, une thèse de pacification de la société, alors que d'autres comme George Moss soutiennent plutôt l'inverse.
[...] Serge Berstein a repris cette thèse sociale pour étendre au champ politique ce que Nobert Elias appelle la civilisation des mœurs En effet, la vie politique est devenue au cours du 20e siècle une sorte de théâtre où les affrontements ne sont plus (pour la plupart) que simulés, et où le débat a pris le dessus sur la violence. Les urnes ont permis de pacifier les luttes politiques et de canaliser les pulsions agressives. Berstein parle également de la naissance d'un consensus majoritaire qui rend de moins en moins nécessaire le recours à la violence dans un contexte où le pouvoir est légitimé et accepté. On peut également observer une évolution de la notion d'adversaire politique: il ne s'agit de quelqu'un à éliminer physiquement, mais de la scène politique. [...]
[...] Cependant, cette violence par le verbe est parfois plus ludique que véritablement agressive, et d'une certaine manière, même si la violence verbale a pris le pas sur la violence physique, il semble qu'elle aussi se pacifie. On constate en fait une grande tendance générale de pacification de la vie politique depuis la fin du 19e siècle jusqu'aux années 1960, avec la disparition de la mobilisation violente, la diminution de l'utilisation des services d'ordre, des répressions non plus punitives, mais sécuritaires, et des affrontements qui font désormais plutôt par les urnes. C'est l'année 1958 qui marque le véritable tournant vers une pacification (décolonisation mise à part), avec la stabilisation et l'acceptation de la Ve république. [...]
[...] Cette diminution de la violence politique laisse place à des modes de persuasions de l'opposant politique plus pacifiques. On assiste à l'évolution des modes de communication. Par exemple, la réunion contradictoire disparaît au profit de meetings plus consensuels, où l'on accepte de laisser l'autre s'exprimer. Se met également en place une sorte de marketing politique pour promouvoir ses idées par la persuasion plutôt qu'en s'imposant par la violence. Transition : Ainsi, la thèse de Berstein tendant à montrer une pacification généralisée pendant le 20e siècle semble se confirmer. [...]
[...] Lors de la manifestation de la station du métro Charonne contre l'OAS, la répression policière a fait 9 morts, dont 8 ont été asphyxiés, ne pouvant sortir de la station de métro bloquée par la police. La répression avait une dimension punitive dont l'objectif était en quelque sorte de faire payer la participation à la manifestation. De même, que chronologiquement cette pacification n'est pas parfaitement uniforme, il faut apporter des nuances sur le plan géographique. Par exemple, la région de Marseille et l'Arc méditerranéen sont des régions plus violentes, où par exemple en 1947 lors des grandes grèves, les services d'ordre gaullistes, complètement dépassés, tirent sur la foule et font un mort. [...]
[...] Dans quelle mesure peut-on avancer la thèse d'une pacification de la vie politique française de la fin du XIXème siècle aux années 1960 ? La violence, sous quelque forme que ce soit, est un échec a écrit Jean Paul Sartre, dans Le Diable et le Bon Dieu. Il semblerait que les militants politiques français en soient venus à cette même conclusion entre la fin du 19e siècle au milieu du 20e, puisqu'on observe durant cette période une pacification de la vie politique, avec l'affirmation d'un recours au consensus et au débat, plutôt qu'à l'affrontement, pour faire valoir ses idées. [...]
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