En France, au lendemain de la Libération, les syndicats ouvriers occupent dans la vie de la nation une place jusque-là inégalée. De nombreux syndicalistes résistants siègent dans les comités de libération locaux, des comités de libération d'entreprise ont vu le jour un peu partout, certaines entreprises (Fouga à Béziers, Berliet à Lyon, les mines d'Alès, …) sont même autogérées. De nouvelles perspectives s'ouvrent devant les syndicats entre 1944 et 1946 avec les nationalisations des houillères, du gaz, de l'électricité, des banques de dépôt, des compagnies d'assurance, du transport aérien ainsi qu'avec la création de la Sécurité sociale. La gestion de ces organismes associe en effet les représentants du personnel élus sur des listes syndicales. La création des comités d'entreprise en 1945 répond au même souci de représentativité des salariés. A la fin de 1945, la CFTC déclare compter 750 000 adhérents et la CGT 5,5 millions, ce dernier chiffre s'expliquant par le fait que, pendant des mois, les syndicats ont disposé du pouvoir d'attribuer des bons de denrées alimentaires. En juillet 1946, la CGT où l'influence communiste est devenue prépondérante obtient de l'Etat une augmentation salariale de 20%. Compte tenu du contexte, les syndicats français sont cependant, il est important de le noter, sur la voix de la modération jusqu'en 1947 (la CGT s'interdit par exemple le recours à la grève).
[...] Mai 68 va révéler l'opposition entre la voie insurrectionnelle incarnée par la base et la voie du consensus incarnée par le monde syndical. Les évènements de 1968 montrent également que la lutte ouvrière ne passe plus nécessairement par le syndicalisme, qui a du mal à se poser en porte-parole des revendications des travailleurs. Finalement, le dernier document montre le renouveau des modes de conflits du travailleur, dans lesquels le syndicalisme est dépassé par le modèle de l'autonomie ouvrière. Le fil rouge de cette étude, de 1945 à 1968, nous conduit à la décrédibilisation progressive du syndicalisme. [...]
[...] Dans les années 60, le taux de syndicalisation est à son minimum historique. Les syndicats ignorent cette masse de jeunes travailleurs qui connaissent peu les syndicats, leur langage, leurs appareils, les mécanismes du conflit, les règles de la médiation contractuelle sédimentée par des années et des années d'expérience qu'ils n'avaient pas partagée Enfin, il faut noter le rôle particulier d'une autre jeunesse, la jeunesse étudiante, dans la motivation des mouvements de la lutte ouvrière. Ils nous parlaient de tout, de choses que nous ne connaissions pas, même du gouvernement Ils nous expliquaient comment les choses marchaient, parce que nous ouvriers, on en savait peu, on ne lisait pas les journaux et on regardait peu aussi la télévision Ces 4 aspects, nouvelle génération ouvrière, ébranlement des institutions et des méthodes traditionnelles, y compris des syndicats, contacts avec le monde étudiant (ce qui est propre à l'Italie et à la France) ; participent à donner l'élan d'une autonomie ouvrière italienne Autonomie ouvrière italienne Bien entendu, il y a des résistances. [...]
[...] On occupe l'usine, on organise un meeting, on organise une réunion intersyndicale sans véritable effet, on hésite, on recommence le lendemain ou après le week-end, avec cependant la volonté notable d'ouvrir la lutte sur l'extérieur (par exemple, 1 réunion sur l'enseignement avec les instituteurs d'un groupe scolaire voisin réunion sur l'information à l'ORTF), même s'il n'est plus fait mention du rôle des étudiants passée la date du 17 mai. L'action est désordonnée et la mise en place de son administration assez poussive. C'est la volonté plus radicale de la CFDT qui conduit à faire avancer, si l'on peut dire, l'administration de la grève, avec la mise en place d'un Comité. [...]
[...] Ces sabotages peuvent d'ailleurs avoir des conséquences tragiques : le déraillement provoqué de l'express Paris- Tourcoing, le 3 décembre, causa 21 morts. Ces méthodes appartiennent plus à un contexte de guerre qu'à un mouvement de grève habituel, et à cette violence tournée vers l'extérieur, répond la répression policière. La synthèse indique le chiffre de 1250 arrestations dans 20 départements ce qui correspond à une moyenne de 63 arrestations par département, quand la CGT donne le chiffre de 1375 arrestations. Postérieurement à l'émission de ces rapports, un millier de condamnations seront prononcées. [...]
[...] Ce contexte international aura des conséquences sur le mouvement social de la fin 47, comme nous le verrons, alors que la situation intérieure de la France était alors déjà particulièrement difficile. Les premiers problèmes découlaient de l'état économique et social du pays. La reconstruction n'avait pas vraiment commencé, ou du moins on n'en voyait pas les effets. Les communications demeuraient très aléatoires, le manque d'argent était criant, et la production était réduite. En outre, l'hiver très dur de 1946-1947 nécessita d'une part de grandes quantités de charbon, et, d'autre part, détruisit par le gel une partie importante des récoltes. En un an, les prix de détail doublèrent. [...]
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