George Remi, alias Hergé, est l'un des artistes populaires les plus appréciés du grand public. Son personnage de Tintin, grand reporter au « Petit Vingtième », a façonné, à travers ses voyages à l'autre bout du monde et ses aventures rocambolesques, l'imaginaire de millions d'enfants. Tintin, qui est l'image même du héros vertueux et chevaleresque, vit le jour en janvier 1929, lorsque « Le Petit Vingtième, toujours désireux de satisfaire ses lecteurs et de les tenir au courant de ce qui se passe à l'étranger, [envoya] en Russie soviétique, un de ses meilleurs reporters : Tintin ».
Hergé publia vingt trois aventures de Tintin qui mettent en lumière un certain nombre de problématiques essentielles : le colonialisme, la prohibition, les tensions dans les Balkans, le trafic d'opium, les problèmes pétroliers, l'esclavagisme et jusqu'à l'instabilité politique en Amérique du sud ! Mais Hergé se soucia toujours de dépolitiser autant que faire ce peut les aventures de son héros : Tintin ne voyage pas en Yougoslavie mais en Syldavie, ni en Arabie mais au Khemed…Hergé « se contenta » de dénoncer des systèmes, des trafics, sans jamais accuser clairement un Etat ou une personne et refusa de prendre ouvertement parti. Cependant, dans les premiers épisodes de Tintin, Hergé tenta de coller à la réalité historique et pris par deux fois une position politique et engagée. C'est le cas dans « Tintin au pays des soviets » dans lequel Hergé fut l'un des premiers européens à critiquer le régime soviétique de manière explicite, et dans « Le Lotus Bleu ».
Autant les aventures de Tintin en Union Soviétique étaient uniquement dénonciatrices d'un système pervers, autant « Le Lotus Bleu » fut un vibrant hommage en faveur de la Chine.
Les aventures de Tintin en Extrême Orient furent publiées pour la première fois en 1934, quelques mois après qu'André Malraux ait reçu le prix Goncourt pour « La Condition Humaine », alors que la Chine subissait de plein fouet la politique de grignotage territorial mise en place par les Japonais et qu'elle s'enfonçait dans l'anarchie interne.
Ainsi, « Le Lotus Bleu » est étroitement lié à l'histoire de l'Extrême Orient entre 1931 et 1933, Hergé se voulant le porte-parole des problèmes chinois.
Quel est l'intérêt d'étudier une bande dessinée pour comprendre les problématiques des conflits extrêmes orientaux durant l'entre-deux-guerres ?
Quelle était la vision qu'avaient les occidentaux de la Chine et du Japon ? Quelle était la place de l'imaginaire et du réel dans cette vision ?
[...] Ainsi, Le Lotus Bleu est étroitement lié à l'histoire de l'Extrême Orient entre 1931 et 1933, Hergé se voulant le porte-parole des problèmes chinois. Quel est l'intérêt d'étudier une bande dessinée pour comprendre les problématiques des conflits extrêmes orientaux durant l'entre-deux-guerres ? Quelle était la vision qu'avaient les occidentaux de la Chine et du Japon ? Quelle était la place de l'imaginaire et du réel dans cette vision ? I. Chinois et Japonais chez Hergé Japon, Occident et péril jaune Au début du XXème siècle, l'Europe de l'Ouest connaît mal la Chine et le Japon. [...]
[...] Un exemple illustre bien cette conception : l'histoire du Lotus Bleu a comme toile de fonds le trafic d'opium. Il existe bien, comme nous le montre Hergé, des fumeries d'opium dans Shanghai, dont Le Lotus Bleu fait partie (au passage, l'imaginaire collectif européen ne pourrait concevoir la Chine sans fumeries d'opium ) Cependant, la Chine apparaît comme l'innocente victime d'un trafic orchestré par des Japonais peu scrupuleux. Au demeurant, cette vision n'est pas totalement imaginaire, les guerres de l'opium au 19ème siècle furent bien menées par les Européens( Anglais principalement) pour percer le formidable marché chinois. [...]
[...] Comme pour une majorité d'Européens, Hergé voit en la Chine une terre lointaine, surpeuplée et énigmatique. Mais plus encore, il imaginait, avant de se documenter et de rencontrer un jeune étudiant chinois ( le véritable Tchang), que les Chinois étaient un peuple d'arriérés aux traditions brutales et violentes. Hergé tourne en dérision cette vision de la Chine et change évidemment sa façon de voir ce pays : Beaucoup d'Européens s'imaginent que tous les Chinois sont des hommes fourbes et cruels [ ] qui passent leur temps à inventer des supplices [ que toutes les petites filles chinoises subissent mille tortures destinées à empêcher leurs pieds de se développer normalement L'image de la Chine vue d'Occident est évidemment caricaturale et pleine de poncifs et de clichés. [...]
[...] C'est grâce à ses conquêtes et à son décollage économique que le Japon devient l'allié de la Grande Bretagne et déclare la guerre au Reich en 1914. Le Japon est devenu une grande puissance, aussi bien militairement qu'économiquement. La victoire de l'Entente lui permet d'obtenir les concessions allemandes dans la province chinoise du Shandong et les archipels du Pacifique septentrional. Cependant, les Occidentaux (principalement Américains et Anglais) vont rapidement s'inquiéter de la puissance nippone dans l'aire pacifique et de sa mainmise sur la Chine. [...]
[...] Ton souvenir restera gravé dans nos cœurs comme dans le cristal le plus pur Le Lotus Bleu est l'illustration parfaite de ce que pouvait être la Chine de l'entre-deux-guerres dans l'imaginaire occidental : un pays de traditions immuables, où le temps n'a pas balayé, comme en Occident, les valeurs les plus élémentaires. Hergé se plait à valoriser la culture chinoise, comme pour exorciser le péril jaune. Ainsi, l'album regorge de calligraphies chinoises qui sont toutes authentiques, d'estampes traditionnelles, de statues ou de vases Ming, de lampions et de dessins tels que le magnifique dragon de la couverture. [...]
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