loisirs, France, XIXe siècle, nouveaux modes de vie, loisir cultivé, extension des loisirs
« Etre capable d'occuper intelligemment ses loisirs, tel est l'ultime produit de la civilisation ». Par cette phrase, issue de La Conquête du bonheur, Bertrand Russel résume les tensions qui agitent les conceptions du loisir depuis l'Antiquité. Déjà, dans ses Lettres à Lucilius, Sénèque faisait de l'otium, le loisir et le repos, le pendant du neg-otium, le travail. Tout comme Russell, qui souligne la nécessité de rationnaliser son temps et le caractère culturellement central de la notion de loisir, Sénèque conseillait à son ami Lucilius, connu pour sa frivolité, d'occuper le temps qu'il ne consacrait pas au travail par des activités qui l'éloigneraient des soucis des affaires, afin de reposer son esprit et son corps. Il lui faisait remarquer « [qu']il est des heures qu'on nous enlève par force, d'autres par surprise, d'autres coulent de nos mains (…)», et tentait de la le détourner de l'oisiveté. La notion du loisir se divise donc entre celles de l'otium, le temps disponible et le loisir contemplatif, et le negotium, le temps consacré à la vie publique et aux métiers alimentaires. Toutefois, si la conception Antique est toujours valable avant la Révolution, celle-ci va impulser à un nouveau partage conceptuel ; la France du XIXème siècle se caractérise par une redéfinition de la temporalité quotidienne, à l'aune de l'industrialisation qui, en partie grâce aux évolutions techniques qui l'accompagnent, délivre une large partie de la population de sa dépendance au travail agricole, c'est-à-dire des nécessités matérielles liées au besoin d'alimentation. Si les loisirs étaient avant 1789 un privilège social exclusif à la noblesse, ils se sont transformés en une part intégrante voire nécessaire de la vie de tout individu.
[...] La vitesse à laquelle les changements s'y sont opérés semble d'ailleurs avoir inspiré le siècle suivant, comme en témoigne Filippo Marinetti lorsqu'il proclame dans son Manifeste du futurisme, publié en 1909, soit au terme du XIXème siècle et à l'aube du XXème : Nous déclarons que la splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. * Expression d'Alain Corbin, dans L'Avènement des loisirs 1850-‐1960 Encyclopædia universalis, Loisir SENEQUE, Lettres à Lucilius, Lettre 1 : Sur l'emploi du temps Wikisource. LITTRE Emile, Dictionnaire de la langue Française CORBAIN Alain, L'Avènement des loisirs Paris, Champs Flammarion VEBLEN Thorstein, Théorie de la classe de loisir rééd. [...]
[...] Si les loisirs étaient avant 1789 un privilège social exclusif à la noblesse, ils se sont transformés en une part intégrante voire nécessaire de la vie de tout individu. C'est ainsi que Littré, dans son Dictionnaire de la langue française de 1863, en donne la dénotation suivante : il s'agit du temps qui reste disponible après les occupations Il consacre ainsi la décomposition du temps en deux entités distinctes, dont la complexité doit être néanmoins analysée. Le XIXème siècle se spécifie par l'accès progressif des masses à la sphère publique. [...]
[...] Les loisirs apparaissent comme des marqueurs sociaux a. Les loisirs bourgeois : théâtre classique grands parcs, culte du corps hérité des idéaux classiques et de l'hygiénisme, bains / thermes : c'est l'otium moderne, parce qu'il nécessite une disponibilité rendu possible par l'enrichissement bourgeois. Thorstein Veblen a bien montré, en 1899, comment la fameuse classe de loisir fondait son pouvoir sur un gaspillage ostentatoire de temps et d'argent propre à susciter la convoitise des catégories de rang inférieur . À l'époque préindustrielle, les privilèges liés à la chasse assuraient ainsi une part essentielle du pouvoir de l'aristocratie, qui, en France, sera remis en cause à la fin du xviiie siècle, avec la Révolution. [...]
[...] Les loisirs traditionnels de la noblesse, comme la chasse ou les jeux d'argent, n'auront qu'un succès limité dans un XIXème siècle bourgeois, mais aussi populaire et définitivement porté sur la modernité. I. L'émergence de nouveaux modes de vie a. Une conception héritée de l'antiquité, praticable et pratiquée par un Ordre oisif b. Le premier XIXe, à cheval sur l'héritage monarchique et sur la Révolution c. Le snob bourgeois, à la recherche du modèle nobiliaire, mais ancré dans la modernité 1. [...]
[...] Les rémanences de l'otium nobiliaire ou loisir cultivé 2. L'industrialisation bouleverse et pluralise les perceptions du temps et du travail a. La mécanisation libère l'homme des nécessités du labour Elle libère le temps de travail. b. La libéralisation économique, créateur de richesses, vecteur d'enrichissement et matrice l'émergence des classes sociales, augmente les niveaux de vie mais contribue à diversifier les perceptions et donc les réalisations (citer des exemples de nouveaux loisirs). Mais il introduit aussi l'idée de rationalisation du temps + mépris de l'otium, qui s'oppose à la valeur travail c. [...]
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