René Rémond écrit à propos des lois constitutionnelles de 1875 : « Pluralité des organes, dualisme des chambres, équilibre. Telles sont les caractéristiques du schéma orléaniste, ils se retrouvent tous, sans altération, dans les textes de 1875 ». L'idée d'un équilibre, d'un consensus, voilà l'esprit même des lois constitutionnelles de 1875. Celles-ci sont remarquables à plusieurs égards. Pour l'histoire qui les précède, sans aucun doute : en effet, elles marquent l'entrée dans la République de droit, alors qu'elle n'était que de fait lorsque Gambetta la proclame le 4 septembre 1870 à l'Hôtel de Ville.
Entre temps, la République sans institutions est gouvernée par l'Assemblée nationale à travers la présidence de Thiers, républicain modéré, depuis 1971, puis dès 1973 du duc de Broglie qui mène une politique d' « Ordre moral », deux pratiques de la République que les lois incorporent. Lois remarquables donc parce qu'elles sont le fruit d'un compromis qui semblait impossible.
En effet, l'évolution parlementaire de l'Assemblée vers la gauche, et celle de l'opinion, de moins en moins favorable aux légitimistes laissent penser à ces derniers que s'ils souhaitent la Restauration, il est nécessaire de doter la France d'institutions stables. La loi du 24 février 1875 sur l'organisation du Sénat, celle du 25 février sur l'organisation des pouvoirs publics et celle du 16 juillet sur leurs rapports définissent donc les institutions de la République de la façon la moins républicaine qu'il soit.
En effet, si le régime est clairement défini comme parlementaire, l'importance donnée au pouvoir exécutif et la place prépondérante de la Chambre haute ont pour objectif de permettre la restauration de la monarchie. Gambetta se félicite pourtant en 1875 de cette « constitution » : la brièveté des textes (seulement 34 articles) et la part très large laissée à l'interprétation peuvent selon lui permettre l'instauration de la République. La pratique des institutions sous la IIIe République lui donna raison, et en 65 ans, durée exceptionnelle pour un tel régime, les républicains réussirent peu à peu à mettre en place leur vision de la République.
[...] La longévité de la IIIe République et surtout le succès de l'instauration d'institutions républicaines modérée trouvent donc leurs origines, paradoxalement, dans les lois constitutionnelles de 1875 et d'inspiration orléanistes : c'est bien là la formule magique du consensus. On remarque en effet que ces lois ont été peu réformées : c'est par la pratique des institutions, et non par la révision que les républicains ont affirmé leur vision de la République. De ce fait, ces lois n'ont pas empêché l'usure du régime parlementaire, victime de l'instabilité ministérielle accrue dès 1932. L'antiparlementarisme se développe et la population française, qui aspire à davantage de souveraineté nationale se lasse. [...]
[...] Tout d'abord, la division des droites à l'intérieur de l'Assemblée chargée d'élire les 75 sénateurs inamovibles provoqua une répartition des sièges en faveur des républicains (62 sièges). Après l'élection des 225 autres membres, la majorité monarchiste est très faible. Les élections législatives de 1876 ont pour résultat une Chambre des députés républicaine. En conquérant progressivement les mairies lors des élections municipales de 1878, les républicains modérés permirent un changement de majorité au renouvellement par tiers du Sénat un an plus tard. En 1879, les deux Chambres sont ainsi républicaines. Désormais, plus rien ne s'oppose à la transformation de tout les rouages de l'Etat. [...]
[...] Ce choix est symptomatique d'une nouvelle ligne de conduite des Chambres qui souhaitent désormais nommer comme chef du pouvoir exécutif un personnage inoffensif Grévy est depuis 1848 hostile à la fonction même de président. Il déclare ainsi devant les Chambres le 6 février 1979 : Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n'entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels Par la suite, Grévy durant toute la durée de son mandat n'a jamais usé des pouvoirs spéciaux du président, tel le droit de dissolution. Cette pratique institutionnelle, appelée constitution Grévy relègue le Président au rôle de symbole. [...]
[...] Dès lors que la nécessité de doter la République d'institutions stables s'impose, la question du statut du président de la République est au cœur des débats. Pour les républicains, l'existence même d'une telle fonction allait à l'encontre de leur idée de la République, cependant afin de parvenir à un consensus avec les loyalistes, ils cédèrent sur cette question. Cette fonction définie depuis 1871 par la constitution Rivet s'installe définitivement avec le vote de l'amendement Wallon le 30 janvier 1875 qui précise que le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des Députés réunis en Assemblée Nationale. [...]
[...] L'acte de la dissolution effraie depuis 1977 et n'est plus utilisé par le Président jusqu'à la fin de la IIIe République. L'obligation pour tous les actes présidentiels d'être contresignés par un ministre n'était dans les lois constitutionnelles qu'un obstacle moindre aux pouvoirs des présidents. On voit cependant que sous la IIIe République le contreseing ministériel est un le facteur majeur qui explique l'absence de prérogatives présidentielles. De plus, l'irresponsabilité présidentielle, voulue par les conservateurs pour permettre à long terme l'installation d'un Roi, a l'effet inverse et limite l'initiative du Président. [...]
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