« La commémoration s'oppose à la mémoire : elle se fait en temps réel et, du coup, l'événement devient de moins en moins réel et historique, de plus en plus irréel et mythique... ».
Cette mystification de la commémoration selon Jean Baudrillard illustre particulièrement les conséquences de l'instrumentalisation du passé par les différents acteurs de la société, qui puisent dans l'Histoire des exemples, contre exemples, arguments et autres évènements destinés à justifier leurs causes ou intérêts. Or à l'heure où les derniers témoins de la Shoah disparaissent, que « l'oubli » guette certains de nos contemporains, ce genre de démarche peut avoir des conséquences plus que néfastes, largement opposées au travail de l'historien, surtout lorsque la conception historique du politique passe dans le droit.
Ce genre de démarche contribue à distinguer Histoire et mémoire. Selon l'historien français Marc Bloch, le champ de l'histoire est ouvert aux autres disciplines scientifiques. L'histoire peut être caractérisée de démarche scientifique quand sa transmission tend à comprendre et expliquer les évènements passés, alors que le concept de mémoire contraint à porter un jugement sur eux. Ainsi, tandis que les interventions politiques détournent les évènements selon un jugement, une approche mémorielle qui va se consacrer dans certaines lois, les historiens, en tant qu'enseignants chercheurs, s'efforcent d'élaborer et de transmettre les connaissances les plus rigoureuses et les plus abouties sur le passé, qui résultent d'une analyse critique des sources disponibles, dans un but de recherche et de diffusion de la Connaissance au plus grand nombre.
[...] Mais un tel devoir de mémoire existe-t-il vraiment juridiquement ? D'un point de vue moral, certainement oui, mais contraindre les citoyens à ne pas oublier tel évènement semble surréaliste. Cependant, l'histoire d'une Nation constitue une des composantes majeures de sa culture. Ainsi, renier certains éléments historiques intrinsèquement liés à l'histoire de cette Nation pourrait remettre en question cette volonté du vivre ensemble (Ernest Renan) qu'illustre la conception traditionnelle française du concept de Nation, dès lors qu'on remet en cause l'histoire commune, et a fortiori la culture propre à une Nation, on assiste à la dislocation de l'unité du concept de citoyenneté. [...]
[...] De plus, d'après la décision du 27 juillet 1982 du Conseil Constitutionnel, un droit fondamental peut être restreint lorsqu'un intérêt public ou la protection d'un droit fondamental d'autrui le justifie, et la décision 94-343-344 DC érige en principe à valeur constitutionnel le respect de la dignité humaine. Ces décisions vont ainsi permettre de justifier, par protection de la dignité humaine, les restrictions apportées aux libertés de pensée et d'expression. Mais quelles seront les interactions dans la pratique entre droit et recherche historique ? Une liberté de la recherche historique encadrée et protégée du fait des lois mémorielles Les lois mémorielles n'ont pas pour objectif de dire l'histoire. [...]
[...] Cette mystification de la commémoration selon Jean Baudrillard illustre particulièrement les conséquences de l'instrumentalisation du passé par les différents acteurs de la société, qui puisent dans l'Histoire des exemples, contre exemples, arguments et autres évènements destinés à justifier leurs causes ou intérêts. Or à l'heure où les derniers témoins de la Shoah disparaissent, que l'oubli guette certains de nos contemporains, ce genre de démarche peut avoir des conséquences plus que néfastes, largement opposées au travail de l'historien, surtout lorsque la conception historique du politique passe dans le droit. Ce genre de démarche contribue à distinguer Histoire et mémoire. Selon l'historien français Marc Bloch, le champ de l'histoire est ouvert aux autres disciplines scientifiques. [...]
[...] D'autre part, le risque de judiciarisation du champ de la recherche du fait de lois mémorielles n'est pas avéré, puisqu'une analyse poussée de la loi permet d'affirmer que les tribunaux ne peuvent juger de la qualification d'un événement historique. Ce qui importe au juge dans les affaires de contestation de crimes contre l'humanité, ce n'est pas la question de savoir si ce que dit l'historien est vrai, mais celle de savoir si son travail répond au devoir d'objectivité et aux règles de bonne foi et ne relève d'aucune intention de nuire. [...]
[...] Or celle-ci se doit d'être écartée par la recherche historique. Guidé par le souci absolu d'objectivité, d'honnêteté et de tolérance, le chercheur se doit de ne pas se laisser guider par l'émotion. Seul un rationalisme poussé dénié de toute subjectivité pourra lui permettre d'établir scientifiquement le fait historique. Venons-en désormais plus particulièrement au génocide : défini tout d'abord dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, puis évoqué par la suite dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, entré en vigueur le 1er juillet 2002, il est reconnu par la communauté internationale au sein des crimes contre l'Humanité et est exposé en ces termes à l'article 6 : Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : Meurtre de membres du groupe ; Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. [...]
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