A la fin de l'année 1914, le plan XVII de l'état-major français et le plan Schlieffen allemand ont succombé à la bataille des frontières et à la victoire française « miraculeuse », selon l'expression du maréchal Joffre, de la bataille de la Marne.
Début octobre, les armées s'affrontent dans la Somme et dans le Nord où les allemands tentent de s'emparer des ports de la Manche et de la Mer du Nord aux batailles d'Yser et d'Ypres.
Quand s'achève la mêlée des Flandres en novembre 1914, les deux armées sont épuisées et marquent leurs positions en s'enterrant sur place. Le front se stabilise alors et forme un trait continu qui s'étire sur 750 km de la Mer du Nord à la frontière suisse.
C'est dans ce contexte très particulier de passage de l'habituelle guerre de mouvement à la guerre de position qu'est datée la lettre que nous allons étudier.
Écrite en effet, le 21 novembre 1914, elle est donc le témoignage d'un moment charnière de la grande guerre.
Il s'agit d'une lettre écrite par un soldat au front pour rassurer sa femme et sa fille restées à l'arrière. Comme nous sommes également ici aux tous premiers mois de la guerre, il ne faut donc pas négliger ces aspects et prendre en compte la subjectivité et les non-dits de ce document dans notre analyse.
[...] En ce début de la guerre de position, les tranchées où vit Louis Chirossel ne sont que des trous isolés dans le sol mais bientôt, reliées par de nombreux boyaux, elles formeront un réseau complexe. Il emploie ligne 9 l'expression argotique marmite datant de cette époque, et définissant les obus allemands, des obus de gros calibres, souvent à ailettes. Il décrit ensuite une lampe fabriquée par les soldats qu'il définit avec humour de modèle 1914 à la ligne 10. On sait que les soldats dans les tranchées passaient beaucoup de temps à attendre, et qu'entre eux, ils confectionnaient des objets avec des éléments trouvés comme des douilles d'obus ou ici une boîte de conserve et du liège, quand ils ne jouaient pas aux cartes, lisaient ou écrivaient des lettres. [...]
[...] L'auteur de la lettre, Louis Victor Chirossel, est un homme vivant au milieu des simples soldats. Il est, en effet, caporal à l'heure où il écrit ces lignes, ce qui correspond au premier grade de la hiérarchie militaire. Né ler mars 1878 à Pouzin en Ardèche, il a 36 ans en 1914 et était artisan à Loriol dans la Drôme avant que la guerre ne débute. Malgré l'emploi de quelques expressions argotiques, la lettre ne comprend pas de fautes d'orthographe et est très longue. [...]
[...] Plus étonnant encore, il ne parle pas des habitants du village. Avaient-ils déserté le village parce qu'il était trop près de la zone du conflit où l'auteur ne préfère pas aborder leur sort ? Ligne 50, il réaffirme son but de rassurer sa compagne en lui faisant croire que ce qu'il écrit est le quotidien véritable d'un soldat, plus que ce que pourrait transformer les journaux ou les autres Pourtant il a bien tout au long de sa lettre confirmé ce qui est véhiculé par la propagande et les autorités, tel que l'idée d'un soldat consentant, heureux de défendre sa patrie. [...]
[...] Louis Chirossel fait donc partie de ce million et demi de Français tués pendant la Grande Guerre, de ces générations sacrifiées, d'hommes entre 19 et 40 ans, qui correspondaient aux forces vives de la nation. Son épouse Eugénie connut alors la même douleur que celle de ces veuves de France et Marthe, celle des 1 millions d'orphelins. Leur travail de deuil eut pourtant ceci de plus facile que celui d'autres familles qu'il put y avoir un accompagnement du corps, Louis étant mort à l'hôpital. [...]
[...] C'est évident qu'il ne veut pas terrifier sa famille car lorsque les «hommes grimpent au sommet les résultats sont effroyables : les unités peuvent perdre presque tout leur effectif en quelques heures tant les soldats se rendent alors vulnérables au tir de l'artillerie ennemie. Des lignes 29 à 34, il raconte une anecdote à sa femme où les allemands se sont fait avoir par les Français qui ont su déjouer leur tour. Ces derniers ont en ainsi réussi deux fois de suite à détruire des convois ennemis qui pouvaient peut-être, ce n'est pas précisé, contenir de la nourriture, du courrier ou des armes. [...]
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