Ce document est une lettre adressée à sa mère par le capitaine Charles de Gaulle, alors en Pologne, extraite de Lettres, notes et carnets, ouvrage paru en 1980 qui dévoile, en plusieurs tomes et dans l'ordre chronologique, une sélection de lettres familiales ou officielles, travaux, directives et autres récits écrits de la main de Charles De Gaulle. L'en-tête du document date la lettre du 25 juin 1919. A cette date, l'armistice a été signé depuis plus de mois et la conférence de paix à Paris (18 janvier ? 28 juin 1919) touche à sa fin. La France doit alors gérer plusieurs dossiers épineux : sa reconstruction, le traité de paix associé à la question des réparations et de la responsabilité de l'Allemagne, et enfin la situation militaire dans une Europe centrale sous tension, du fait des nouveaux Etats, des problèmes de nationalités, des frontières mal définies, et de l'expansion du communisme suite à la Révolution russe d'Octobre 1917 (...)
[...] De Gaulle se plaint visiblement de la réticence montrée par les hommes politiques et militaires polonais vis-à-vis de l'armée française : ils sont certes conscients que son appui leur est indispensable pour vaincre les troupes rouges, mais en même temps ils craignent qu'elle ne donne un pouvoir considérable au général Haller, avec pour conséquence un possible coup de force on redoute d'elle par-dessus tout une victoire retentissante qui pourrait avoir comme contrecoup quelque coup d'Etat Aussi l'exécutif polonais cherche-t-il paradoxalement à affaiblir son principal allié en l'éparpillant sur plusieurs fronts aussi n'a-t-on qu'une idée : la disperser aux quatre coins du pays pour l'empêcher d'agir sérieusement malgré les efforts de l'état-major français pour rationaliser ce désordre organisé par les Polonais eux-mêmes la mission française fait de grands efforts pour prendre en main la direction militaire d'ensemble : opérations et organisation, mais elle n'y parvient pas jusqu'à nouvel ordre De Gaulle en vient à souhaiter que les Russes reprennent l'initiative des combats (les affrontements les plus sanglants et le déclenchement officiel de la guerre n'interviendront qu'à partir de mars 1920), pour que le gouvernement polonais prenne peur et délaisse enfin cette politique de dispersion militairement contre-productive : il faudrait aux Polonais, pour qu'ils se fassent souples à notre égard, ce qui vient d'arriver aux Tchèques avec les Hongrois Il s'agit d'une allusion à une autre guerre d'Europe centrale, consécutive elle aussi au remodelage de la région après la Grande Guerre, avec la création sur les ruines de l'Empire austro-hongrois de deux Etats nouveaux, la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Les Tchèques, qui entendaient profiter de cette période de troubles pour agrandir leur tout nouvel Etat, et arguant de la présence de minorités slovaques en Hongrie, avaient envahi le pays par le nord au début de 1919. Mais à l'époque où De Gaulle écrit cette lettre, fin juin 1919, la situation semble tourner à leur désavantage, puisque les Hongrois sont parvenus à instaurer une République des Conseils en Slovaquie le 21 mars. [...]
[...] Cette captivité explique sans doute pour une bonne part le ressentiment que peut avoir Charles De Gaulle envers Allemands qui l'ont privé de sa guerre et ont ainsi mis en lui ce sentiment d'inutilité. Il s'agit d'une lettre, et donc d'un document d'ordre strictement privé, écrite qui plus est à une époque où De Gaulle n'est pas encore un personnage public ; aussi pourrait-on a priori s'attendre à plus de sincérité, de véracité et de véridicité que dans un discours officiel, des mémoires ou une proclamation solennelle. [...]
[...] Cette attitude conciliante se poursuivra, malgré la crise du début des années 30, jusqu'à l'arrivée des nazis au pouvoir. Aussi peut-on penser qu'en 1919, De Gaulle sous-estime gravement les possibilités d'une réconciliation entre la France et l'Allemagne. Par ailleurs, il impute le non-paiement des réparations de guerre à de la simple mauvaise volonté non pas certes qu'elle ne puisse payer, mais parce qu'elle ne le veut pas alors que des personnalités aussi différentes que l'économiste anglais John Maynard Keynes (les Conséquences Economiques de la Paix, 1919) ou l'historien royaliste Jacques Bainville (les Conséquences Politiques de la Paix, 1920) l'avaient jugé tout simplement inapplicable en lui-même. [...]
[...] Votre fils très affectionné et respectueux. Charles de G. Mme H. de Gaulle place Saint François-Xavier Paris (VIIème arrondissement) Commentaire de texte Lettre du Capitaine Charles de Gaulle à sa mère Présentation: Ce document est une lettre adressée à sa mère par le capitaine Charles de Gaulle, alors en Pologne, extraite de Lettres, notes et carnets, ouvrage paru en 1980 qui dévoile, en plusieurs tomes et dans l'ordre chronologique, une sélection de lettres familiales ou officielles, travaux, directives et autres récits écrits de la main de Charles De Gaulle. [...]
[...] Seulement nous n'allons plus avoir à brandir d'épée flamboyante, avec nos troupes démobilisées, et celles de nos alliés rentrées chez elles. Au fur et à mesure des années, l'Allemagne se redressant deviendra plus arrogante, et finalement ne nous paiera pas à beaucoup près ce qu'elle nous doit. Il faut craindre du reste que nos alliés ne soient d'ici à très peu de temps nos rivaux et ne se désintéressent de notre sort. La rive gauche du Rhin devra donc nous rester. Je serais plus qu'étonné à présent si ma proposition pour la Légion d'honneur aboutissait. [...]
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