Alors que la Convention avait condamné toutes les marques distinctives au nom du principe absolu d'égalité, il fallut attendre que Napoléon Bonaparte se proclame Premier Consul - Noël 1799 - pour que le mérite revienne au premier plan avec la création des Armes d'Honneur qui fondent à nouveau un mode structuré de récompenses. Ce processus impulsé par Napoléon s'inscrit dans un contexte particulier.
Avec les traités de Lunéville et d'Amiens, 1801 et 1802 voient fleurir une paix générale ignorée depuis dix ans. C'est la renaissance économique, la reprise du commerce extérieur, la nouvelle administration qui commence à faire sentir son action. Alors que le Concordat a rouvert les portes des Eglises et qu'un certain nombre d'émigrés rentrent, le consulat à vie proclamé en août 1802, laisse l'horizon dégagé pour Bonaparte qui, sûr de l'avenir, va alors faire un second pas en avant : c'est la fondation de la Légion d'honneur, par l'article Ier de la Loi du 29 floréal an X – le 19 mai 1802.
Cette création ne va pas aller sans critiques. Aux yeux de tous, il s'agit de reconstituer un ordre, une de ces institutions symbolisant plus qu'aucune autre l'Ancien Régime que l'on vient d'abattre, au prix de tant de sang et de tant de malheurs. De plus, séculairement, la fondation d'un ordre représentait le complément indispensable et indissoluble du pouvoir personnel.
Bonaparte s'est alors bien gardé de faire figurer le mot « ordre » dans le texte déposé ; la terminologie romaine, toute militaire d'ailleurs - Légion d'honneur, traduction de la Legio honoratorum conscripta - s'imprégnait d'un républicanisme de bon aloi. De plus, les Etats-Unis d'Amérique venaient de compléter leurs institutions républicaines par la création de l'ordre de Cincinnatus. La République française pouvait imiter un pareil exemple.
[...] Mais il faut bien voir que ces «affaires» ont jeté une ombre douteuse sur certains personnages, non sur l'étoile. Elle restait, aux yeux de tout le pays, la récompense intangible par excellence. Ce respect, elle le méritait d'ailleurs autant que jamais, travaillant sans relâche, lors même des plus pénibles attaques, à confirmer sa solidité et sa vocation. Malgré les critiques et les démissions, les grands chanceliers, assistés de Conseils où figurent aux côtés de nombreux généraux et amiraux, des savants et historiens, des juristes et des poètes, n'ont cessé, en liaison avec les Grands Maîtres au sommet du pouvoir exécutif, de légiférer pour adapter l'Ordre à la marche du temps, sans porter atteinte à ses caractères essentiels. [...]
[...] Aussi, en 1938, l'effectif légionnaire atteignait personnes, dont à «titre militaire». L'enchainement des conflits jusqu'en 1962 les guerres d'Indochine et d'Algérie davantage que la Seconde Guerre mondiale ont mené la Légion d'honneur dans une véritable impasse avec près de membres. C'est ainsi que l'institution s'est toujours trouvée déchirée entre deux tendances : répondre à sa vocation première, en récompensant tous les mérites, et contenir, dans la mesure du possible, le gigantisme qui la menace. Nous allons voir comment l'application de l'idéal napoléonien lui a permis de traverser tous les régimes et de vaincre toute concurrence, alors que le maintien de la discipline et l'adaptation aux différents régimes ont assuré sa pérennité. [...]
[...] Bonaparte pensa ainsi que la Légion d'honneur ne devait pas être restreinte à ses seuls sujets : il voulait la faire servir à récompenser tous les mérites, quel que soit le pays qui les ait produits. En 1807, juste après Tilsit, il demanda qu'on lui présente un des plus braves parmi les soldats de la garde russe. Le premier grenadier de cette garde, Alexis Lazaroff, désigné par Alexandre sortit du rang. Napoléon ôta alors sa croix de la Légion d'honneur, s'avança vers le soldat moscovite et la lui plaça sur la poitrine. [...]
[...] Après Waterloo, Louis XVIII nommait le maréchal Macdonald, duc de Tarente, grand chancelier de la Légion d'honneur. Pour la première fois, une personnalité militaire de premier plan s'installait à l'hôtel de Salm. Cet usage allait se poursuivre jusqu'à nos jours sans interruption. À l'époque, en chargeant de cette si haute fonction un maréchal d'Empire resté à l'écart des vicissitudes politiques des derniers mois, le roi voulait, et rassurer l'armée, et derechef unir en la personne du premier dignitaire de la Légion d'honneur le passé et l'avenir. [...]
[...] «Vendre la Croix d'honneur!» Une telle accusation amena la démission du président, dès le 2 décembre. Cette lamentable «affaire des décorations» mettait fâcheusement en vedette une institution parfois brocardée, mais jamais salie. Les trois grandes «affaires» qui ont suivi, concernant le général Boulanger, le scandale de Panama, et le capitaine Dreyfus, ont entraîné le remaniement de la plus haute administration de l'institution, qui abandonna ainsi une tranquillité presque séculaire. L'indignation de la population contre les décisions de la grande chancellerie qui suspendit le général Boulanger et le capitaine Dreyfus, mais pas Gustave Eiffel après le scandale de Panama, entraîna une forte pression du monde politique sur l'institution et les démissions du conseil de l'Ordre crée en 1852 - et de deux grands chanceliers, les généraux Février et Davout d'Auerstaedt, respectivement en 1898 et 1901. [...]
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