« Autocratie, Orthodoxie, Nationalité » : l'Empire russe de Nicolas Ier (au pouvoir depuis 1825) rime avec ordre. Ordre social, le servage n'a pas encore été aboli en 1850 en Russie, mais aussi ordre moral : l'Eglise orthodoxe est puissante (l'empereur est aussi à la tête du Saint Synode). Ordre national aussi, puisque la Russie construit sa propre identité et rejette de facto les nationalités (polonaises par exemple) : elles sont 13 à cohabiter sur les 22 millions de km² du territoire russe, dont certaines aspirent à l'indépendance, notamment la nation polonaise. En englobant les territoires d'Europe Orientale, de Minsk à Varsovie, l'Empire russe hérite aussi d'une importante communauté juive. On dénombre environ 2,35 millions de juifs en 1850, et le double en 1897 : la communauté juive représente alors 4% de la population de l'Empire.
On parle de communauté juive. Santamaria définit ainsi le terme de communauté : « s'emploie afin de distinguer ce qui dans les ensembles politiques relève de la dimension ethnique et culturelle, par opposition à celle de la société (Gesellschaft), qui répond à une rationalité politique et commerciale ». Ainsi l'évolution d'une communauté est directement à mettre en lien avec la société dominante dans laquelle elle s'inscrit. Si les juifs d'Europe occidentale tendent à être assimilés aux sociétés modernes dominantes, les juifs d'Europe Orientale sont loin d'être intégrés aux sociétés archaïques orientales. La subsistance d'un particularisme quelconque apparaît contraire à l'imaginaire national, que ce soit au sein de la population polonaise, avec un nationalisme brimé par l'Empire tsariste, ou sur le territoire russe lui-même, avec l'avènement du culte de la « nationalité ». Au lendemain du Printemps des Peuples, même si la Pologne est matée rapidement par les autocraties, la question nationale reste un brulot et le particularisme juif devient dès lors un enjeu, un problème. La question juive, non plus en tant que question religieuse comme elle a pu être considérée auparavant, mais en tant qu'enjeu ethnique, se pose alors.
Cette communauté traditionaliste, marquée par la religion et ses coutumes tant dans son organisation que dans son mode de vie devient donc un enjeu national. Enjeu pour les sociétés dominantes, mais aussi enjeu pour la communauté elle-même, qui elle aussi bascule dans la modernité au cours du XIXe.
[...] La communauté fait ainsi montre d'une grande solidarité mais par ce biais se renferme encore plus sur elle-même, et paraît loin de s'intégrer aux sociétés dominantes. Les impôts des juifs sont plus importants que ceux des chrétiens, pour des salaires nettement inférieurs. Errera qualifie les juifs russes de nègres blancs Le rejet par la population autochtone les pousse à vivre dans des conditions déplorables : 18h de travail par jour, hygiène déplorable, vie dans de vieilles bicoques délabrées et insalubres, entassées à plusieurs familles. [...]
[...] Les émeutiers sont mollement réprimés par le tsar, et affirme agir selon le bon vouloir de leur petit père le tsar Ce premier pogrom fait peu de morts et est décrit par les autorités russes comme la conséquence de l'anticapitalisme, et nullement comme de l'antisémitisme : le groupe terroriste La voix du Peuple affirmera ainsi : les pogroms ne sont pas dirigés contre les juifs mais contre les exploiteurs du peuple Ils seraient l'expression du rejet d'une domination économique et d'une injustice sociale. La vague de pogrom connait deux soubresauts aux printemps 1883 et 1884 avant de s'éteindre. En 1903, l'accusation portée contre un coiffeur juif d'avoir égorgé une employée chrétienne à Kichinev (actuelle Chisinau) déclenche le second pogrom. Cette fois-ci la communauté juive se défend par la constitution de comités d'auto défense notamment organisés par les mouvements ouvriers. [...]
[...] Enjeu pour les sociétés dominantes, mais aussi enjeu pour la communauté elle-même, qui elle aussi bascule dans la modernité au cours du XIXe. En quoi la nature et la structure de la communauté juive d'Europe orientale et notamment les relations qu'elle entretient avec le régime tsariste pendant la seconde moitié du XIXe, conduisent-elles à une redéfinition de la question juive ? L'évolution de la communauté juive d'Europe orientale ne pouvant être appréhendée sans son contenant i.e. Sans la nature et l'évolution de son environnement politique et social, elle subit une double révolution : l'une insufflée par ses liens avec l'Etat russe, et l'autre entraînée par une nouvelle conception de la communauté elle-même. [...]
[...] Les juifs étrangers sont expulsés du territoire (ils sont 150 000), et Kiev et Yalta sont déclarées hors territoire en 1893, ce qui pousse là encore les juifs à émigrer. Il leur est interdit de vivre à la frontière. On concentre donc la population juive dans les villes et bourgades, on la confine littéralement dans des espaces restreints. Les populations sont alors très concentrées dans les villes et l'hygiène devient déplorable dans ces zones. En 1903, on leur interdit définitivement de quitter les zones urbaines. [...]
[...] Peur par ailleurs de cet Etat dans l'Etat, puissant et menaçant pour une nation russe en construction II) Les relations entre la communauté juive et l'Empire russe : entre tentative d'intégration et persécutions a. Les réformes d'Alexandre II : vers une assimilation des juifs ? i. Amélioration et adoucissement des mesures En 1856, lors du Manifeste du Couronnement, Alexandre il promet l'égalité entre juifs et chrétiens face à la conscription. Il affirme peu après vouloir intégrer le peuple juif à la population de souche. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture