Lorsque Jean Monnet est appelé par Clémenceau et Balfour au poste de secrétaire général adjoint de la Société des Nations en 1919, celui-ci a une très grande expérience du monde anglo-saxon. En effet, il a passé deux ans à Londres pour apprendre les affaires, puis il est parti aux Etats-Unis dans le cadre du négoce familial, mais surtout il est l'inspirateur du plan de coordination des ressources anglo-françaises durant la première guerre mondiale. Ses nombreuses expériences dans le monde anglo-saxon s'accroissent durant l'entre-deux guerre, faisant de lui un homme d'affaires ouvert sur le monde, indifférent au terme de frontière auquel il préfère celui de solidarité. Le futur créateur des institutions européennes développe donc au cours de ces années d'entre-deux guerres, une conscience à la fois internationale et atlantiste. En conséquence, ce dont nous sommes témoins dans sa biographie, c'est de l'émergence dans le cours d'une praxis individuelle, d'une prise de conscience que Monnet théorisera ultérieurement : les pays doivent renforcer leurs solidarités à l'échelle internationale s'ils veulent être plus performants. Il pense principalement aux Etats-Unis et à l'Europe qu'il souhaiterait voir se rapprocher. Cette conscience, à la fois internationale et atlantiste que Monnet acquiert entre 1919 et 1939 est pourtant paradoxale, dans la mesure où elle apparaît dans un contexte d'émergence du sentiment national (dans les pays européens créés par l'après-guerre) puis d'exacerbation nationale (dans de nombreux pays européens tels que l'Allemagne ou l'Italie durant les années trente). Elle va donc faire de Monnet un personnage atypique, doté à la fois d'une grande capacité d'anticipation (car Monnet est constamment tourné vers l'avenir) et d'un regard nouveau sur le monde, non cantonné au point de vue national ou régional. Cependant, la montée des tensions en Europe durant les années trente et le déclenchement de la Seconde guerre mondiale en 1939 vont faire évoluer sa vision internationaliste vers une vision européiste, bien que toujours teintée d'atlantisme.
Il est donc pertinent de s'interroger sur l'évolution des conceptions de Jean Monnet. Il faut s'attarder sur son passage d'une praxis individuelle à une théorie de portée universelle, sur le déplacement d'une vision internationaliste à une vision européiste entre 1919 et 1939.
[...] Les gens et les productions devaient pouvoir traverser librement la frontière. Pour cela, il fallait mettre au point un certain nombre de mesures concrètes qui deviendraient pour les allemands et les polonais des règles acceptées par l'un et l'autre Etats et gérées conjointement sous le contrôle et la décision finale d'un arbitre. Bien qu'une ligne frontière soit tracé en 1921, un régime transitoire fondé sur la coordination entre la Pologne et l'Allemagne avec l'aide de la SDN est mis en place pour 15 ans. [...]
[...] Au sortir du premier conflit mondial, Monnet n'a pas de projet européen. Cependant, son expérience en tant que représentant de la France à Londres, dans les comités alliés chargés de la répartition des ressources communes durant la guerre 1914-1918 lui a fait prendre conscience de la nécessité pour les Etats européens de s'unir de manière à lutter contre toute forme de dispersion possible. Même s'il n'a pas de théorie d'union européenne à proprement parler au sortir de la première guerre mondiale, il s'efforcera sans cesse d'encourager le partenariat entre les Etats, que celui-ci se fasse entre les pays européens ou entre l'Europe et les Etats- Unis. [...]
[...] Dès la fin de la première guerre mondiale, Monnet prend conscience que les pays européens doivent s'unir car ils sont devenus trop faibles pour agir seuls. Cette union doit se faire sur un pied d'égalité entre les pays. Monnet refuse tout système de domination dans lequel la puissance écrasante d'un pays menacerait l'équilibre des autres pays alliés. Dans ce même ordre d'idée, il est opposé aux sanctions très lourdes qui pèsent sur l'Allemagne et qui l'affaiblissant la mettent à l'écart des autres pays. [...]
[...] Il interviendra à nouveau entre le vieux et le nouveau continent, à la veille du second conflit mondial, à la demande du Président du Conseil français, Edouard Daladier. La France souffrant de graves carences au niveau aéronautique, Monnet sera chargé de négocier aux Etats-Unis une commande d'avions militaires. Si difficiles qu'aient été les missions qu'il a eu à remplir, Monnet s'est toujours révélé compétent, déterminé et efficace. De fait, les obstacles de la mission de 1938 ont été nombreux : il y a un fort courant isolationniste en Amérique. Le contentieux financier franco-américain est difficile à résoudre. [...]
[...] En effet, Monnet est conscient que le vieux continent aura besoin de l'aide américaine pour sortir de l'impasse de la guerre. Lorsqu'il crée le comité de coopération économique franco- britannique, il cherche ainsi dans le même temps à obtenir de l'administration Roosevelt l'aménagement de la loi de neutralité de mai 1937. Cependant, le futur fondateur de l'Europe sait que les Etats-Unis ne participeront pas à l'effort de guerre tant que le vieux continent agira de manière isolée et fragmentée contre l'ennemi. [...]
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