« Ce que Paris conseille, l'Europe le médite ; ce que Paris commence, l'Europe le continue. » déclamait Victor Hugo en 1848 devant l'Assemblée nationale. Ce n'était pas la première fois qu'on évoquait l'Europe: Kant, Montesquieu l'avaient déjà fait dans leurs œuvres. Mais dans cette phrase on voit le rôle primordial accordé à la nation d'origine de l'écrivain, en la personnification d'un Paris conseiller et précurseur.
Que font les intellectuels ? Ils pensent et critiquent. Ils font de la réflexion l'occupation principale de leur vie. Le thème de l'Europe est donc pour eux un objet de pensée. Mais s'ils voient le monde à la lueur de leurs idées, le monde se voit-il de la même manière ? En temps de guerre et sous les dictatures, les premiers à être bâillonnés sont les intellectuels.
Est-ce parce que leur influence est telle qu'ils font de l'ombre au pouvoir politique ? Par Europe nous entendons pays européens, unis ou rassemblés dans ce même terme. L'époque où la construction de l'Europe acquiert le plus d'audience auprès du public commence dans les années 1919.
La notion de "civilisation européenne " n'était pas nouvelle : évoquée par Hugo ou Kant, on aurait tendance à croire qu'elle meurt avec la Première Guerre mondiale. Mais au lendemain de celle-ci, après le constat pessimiste d'un déclin possible de l'Europe, l'idée européenne évolue, en une effervescence intellectuelle. Gonzague de Reynold, André Gide, Valéry et plus tard, Malraux, sont tous hantés par l'idée d'un déclin de l'Europe.
Gonzague de Reynold demande « L'Europe est elle en décadence ? C'est depuis 1917 que cette question me hante. » André Gide, lui, écrit dans la Revue de Genève, « Je crois que nous sommes à la fin d'un monde, d'une culture, d'une civilisation, que tout doit être remis en question. ». Valéry dans sa lettre d'avril 1919, évoque un Hamlet européen regardant des millions de spectres.
[...] Dans leur esprit, cette nouvelle organisation doit établir la “solidarité intellectuelle et morale de l'humanité” et, ainsi, empêcher le déclenchement d'une nouvelle guerre mondiale. A la fin de la conférence de ces Etats signent l'Acte constitutif qui marque la naissance de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). L'Acte constitutif entre en vigueur dès 1946, ratifié par 20 Etats : l'Afrique du Sud, l'Arabie saoudite, l'Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, le Danemark, l'Egypte, les Etats-Unis d'Amérique, la France, la Grèce, l'Inde, le Liban, le Mexique, la Norvège, la Nouvelle- Zélande, la République dominicaine, le Royaume-Uni, la Tchécoslovaquie et la Turquie. [...]
[...] Toutes ces revendications aboutiront à la mise en place de l'UNESCO. De 1942 à 1945, se tenait déjà la conférence des ministres alliés de l'éducation. Elle définissait ses buts en six paragraphes: 1)Consultations entre dirigeants, la libre circulation des idées et des informations, des Programmes destinés à affermir la paix et la sécurité, une élaboration de plans d'éducation et de culture, une recherche concernant la paix et la sécurité, une Assistance à fournir aux pays qui en ont besoin et qui la sollicitent. [...]
[...] La fédération européenne devra garantir les libertés fondamentales - y compris le droit d'opposition - et assurer le maximum de participation des citoyens à tous les niveaux". Les valeurs que les résistants européistes chrétiens défendent ne s'arrêtent pas au temps de la guerre: elles devront orienter la reconstruction de l'Europe libérée. Si leur action pendant la Seconde Guerre mondiale est assez dispersée, on a vu qu'ils se regroupaient plus tard, acquérant par là une influence grandissante. Dans les racines de l'Union européenne se trouve ainsi une génération de catholiques pratiquants, convaincus que leur foi chrétienne devait être l'armature de leur engagement politique. [...]
[...] De langue germanique, ils appartiennent à des zones frontières. Ils affirment leur appartenance au parti chrétien et s'y réfèrent pour expliquer leurs engagements. Ainsi Robert Schuman déclare dans son oeuvre Pour l'Europe que «Réserver le christianisme à la seule pratique du culte et des bonnes œuvres signifie en méconnaître et en limiter la mission. Le christianisme, au contraire, est une doctrine qui entend définir le devoir moral dans tous les domaines, au moins dans ses principes généraux. Si elle n'a pas la prétention de donner une recette infaillible à tous les problèmes d'ordre pratique, où c'est l'opportunité qui doit dicter le choix, l'Église se préoccupe de voir protégés les grands intérêts de la personne humaine: sa liberté, sa dignité et son développement.» Quant à Konrad Adenauer (signataire du traité de 1957), il écrit dans Aux racines chrétiennes de l'Union européenne la conception matérialiste du monde doit se substituer la vision chrétienne; aux principes fondamentaux du matérialisme nous devons opposer les principes de l'éthique chrétienne qui doivent devenir déterminants pour la construction de l'État et la limitation des pouvoirs, pour les droits et les devoirs des individus, pour la vie économique et sociale, pour les relations réciproques des peuples.» Dans la continuité des valeurs chrétiennes, de plus en plus d'européistes défendent l'idée d'une Europe unie par une éducation commune de ses citoyens. [...]
[...] Les intellectuels chrétiens qui ont participé à la résistance la définissent comme une attitude morale d'opposition, qui passe par le refus de l'inacceptable et de la fatalité. Ils défendent notamment une idée de l'homme. Eugen Kogon par exemple s'engage contre l'inhumanité que porte le nazisme, qui pour lui assimile l'homme à un animal déterminé, alors que l'être humain est d'après lui caractérisé par sa capacité de décision. Ses écrits défendent une idée de l'humanité qui prend racine dans le message du Christ, et il explique que lors de son incarcération au camp de Buchenwald il s'efforce de toujours se comporter en être humain, contre la déshumanisation que les SS appliquent aux prisonniers. [...]
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