« Et cette pétition que l'on fait circuler parmi les intellectuels, le seul fait que l'on ait récemment créé ce mot d'intellectuels pour désigner, comme une sorte de caste nobiliaire, les gens qui vivent dans les laboratoires et les bibliothèques, ce fait seul dénonce un des travers les plus ridicules de notre époque, je veux dire la prétention de hausser les écrivains, les savants, les professeurs, les philosophes, au rang de surhommes » écrivait Ferdinand de Brunetière, le directeur de la très respectable Revue des deux mondes, en janvier 1898, à propos de la pétition lancée par Emile Zola pour rouvrir le procès du capitaine Dreyfus.
C'est effectivement durant « l'Affaire » Dreyfus, que le mot d'intellectuel commença à apparaître, englobant dans un même terme ceux qui privilégiaient le travail de l'esprit, des manipulations abstraites et des discours dans une société encore marquée par la Révolution industrielle et le travail ouvrier de masse. Pour autant, si le mot, ou plutôt le titre d'intellectuel est récent, on peut cependant faire remonter la fonction beaucoup plus loin en arrière. Constant, Rousseau, Voltaire, Cicéron et même Socrate ne sont-ils pas, eux aussi, des intellectuels ? Et aujourd'hui même, dans nos sociétés où la communication est devenue plus accessible, les grands enjeux sociaux et politiques ne sont-ils pas aussi l'objet de préoccupations d'intellectuels, et leurs prises de position ne sont-elles pas importantes pour l'opinion publique ?
Car tel qu'il naît durant « l'Affaire », le mot d'intellectuel figure surtout ceux qui font de la pensée le moteur de la critique contemporaine de leur époque et du renouveau social. A ce titre, penser pour penser ou écrire pour écrire leur apparaît dénué de tout sens logique : ne leur faut-il pas penser pour agir ? Finalement, l'épanouissement des intellectuels, ces Chiens de garde que Nizan critiquait, ne se puise-t-il directement pas dans la contestation et la confrontation des idées, comme sources créatrices d'inspiration ?
[...] Pour autant, si le mot, ou plutôt le titre d'intellectuel est récent, on peut cependant faire remonter la fonction beaucoup plus loin en arrière. Constant, Rousseau, Voltaire, Cicéron et même Socrate ne sont- ils pas, eux aussi, des intellectuels ? Et aujourd'hui même, dans nos sociétés où la communication est devenue plus accessible, les grands enjeux sociaux et politiques ne sont-ils pas aussi l'objet de préoccupations d'intellectuels, et leurs prises de position ne sont-elles pas importantes pour l'opinion publique ? [...]
[...] L'intellectuel ignore tout de ce qu'est l'instinct, la tradition, le goût du terroir, tout ce qui fait une nation de chair et de sang. Selon lui, l'intellectuel est quelqu'un qui croit qu'on fait l'union sur des idées, ou plutôt il faut que ces idées soient doublées de leur force sentimentale Non seulement on dénia alors aux intellectuels toute vocation particulière à intervenir dans le débat public, mais, qui plus est, on les désigna comme les mauvais Français qui agissaient contre l'instinct vital de la Nation. Ces accusations accrurent la sensibilité des intellectuels face aux scandales, au conservatisme et aux contradictions du régime présent. [...]
[...] Mais ce clivage fut toujours sous-entendu par les prises de position des intellectuels et ne constituait jamais une primauté dans la contestation. Les intellectuels ne se sont jamais affrontés parce qu'ils étaient pour les uns de gauche et pour les autres de droite : le politique au sens idéologique n'est donc pas un sujet de contestation, mais plutôt une acceptation admise. Pourtant, cela entraîna aussi des désaccords, parfois violent, entre les intellectuelles à propos des engagements. Aux querelles intellectuelles Les années de l'immédiat après Première guerre mondiale sont marquées par la rupture que souhaitent instaurer ceux qui, nourris du nationalisme quasi belliciste sur laquelle s'était basée la IIIe République (le thème de la Revanche), ayant ensuite connus la terrible épreuve du feu et des tranchés s'insurgèrent contre la folie réactionnaire et l'incitation à la guerre des Barrès, Maurras et autres Daudet. [...]
[...] La référence de Benda aux clercs souligne ici la fonction quasi religieuse qu'il assigne aux intellectuels, qui doivent avoir, selon lui, davantage une conscience critique plutôt qu'un engagement stricto sensu. Ils sont accusés d'avoir quitté le monde de la pensée désintéressée et des valeurs abstraites et intemporelles pour se compromettre dans le combat politique en adoptant des passions politiques de race, nation, classe ou parti. Ainsi, dans la contestation, l'intellectuel doit pouvoir jouer un rôle sur la scène politique mais, plus que le sens de son engagement (Malraux qui proposa à Brasillach de se cacher), c'est le degré d'engagement qui pose problème au sein même des intellectuels. [...]
[...] Intellectuels et contestation sont intimement liés, sans doute parce que c'est aux premiers que revient la lourde tâche de mener la seconde. Pour autant, s'ils s'attellent avec tant de zèle aux débats, c'est peut- être parce que les intellectuels y trouvent sans doute directement leur épanouissement. Epanouissement politique, épanouissement culturel, épanouissement religieux parfois, épanouissement de son rôle social surtout, qui confèrent, parfois, à l'intellectuel un cheminement qu'il estime être un mûrissement de ses pensées, comme ce fut le cas pour Péguy ou Claudel ; ou une confortation dans ses idéaux. [...]
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