Insurrection Mau-Mau, Kenya, XXe siècle, conflit colonial, ethnie Kikuyus, administration coloniale, occupation britannique, indépendance du Kenya, général Dedan Kimathi
Dans leur article intitulé "Some Perspectives on the Mau-Mau Movement" paru dans la Kenya Historical Review en 1977, William R. Ocheng et Karim K. Janmohamed retranscrivent les paroles d'une chanson faisant état des personnes visées par les actions du mouvement Mau-Mau : "Vous les Blancs, vous êtes étrangers de notre pays, vous avez apporté l'esclavage et l'exploitation dans notre pays ; maintenant, quittez notre pays. (...). Et vous les traîtres qui nous vendez à l'oppresseur blanc, (...) vous paierez vos actes de trahison".
Cette chanson témoigne de la particularité de la révolte qui eut lieu au Kenya au milieu du XXe siècle, à savoir le fait que cette révolte n'opposait pas de manière manichéenne les Noirs aux Blancs, mais une ethnie, les Kikuyus (notamment) contre les individus faisant le jeu de la colonisation, à savoir les Blancs, mais aussi certains noirs travaillant pour l'administration coloniale.
[...] Après l'indépendance du pays qui suivit la libération de Jomo Kenyatta en 1963, une amnistie fut déclarée. Cependant, la violence de la répression fut telle et les blessés et morts tellement nombreux que cette amnistie n'a pas suffi à ôter des esprits les horreurs des années 1950. Après avoir entrepris des démarches judiciaires, il faut attendre 2013 pour voir la Grande-Bretagne s'excuser des actes commis contre les Mau-Mau. Ce problème d'amnistie recoupe alors un problème d'histoire mémorielle de la Grande-Bretagne vis-à-vis de sa période coloniale et des actes commis au Kenya puisque pendant soixante ans cette question est passée sous silence par le gouvernement britannique, à l'instar en quelque sorte du gouvernement français vis-à-vis de la guerre d'Algérie. [...]
[...] En 1888, le pays vit l'arrivée sur ses terres de la British East Africa Company (IBEAC) nouvellement créée. Elle prépara l'occupation britannique proprement dite (1895), de façon brutale. La Compagnie entendait seulement créer des postes de transit ainsi que des forts au bord du pays Kikuyu : fort de Kiawariua en 1890 puis Fort Smith. Cette installation des caravaniers européens sur leurs terres provoqua la méfiance et le mécontentement des Kikuyus. Colonie britannique, le Kenya dut fournir, lors de la Première Guerre mondiale, un contingent de soldat pour servir la Couronne. [...]
[...] Le nombre de chômeurs augmentait de jour en jour. En effet, Catherine Coquery-Vidrovitch précise à cet égard que meilleures terres avaient été aliénées en faveur des colons et elle évoque le développement d'un « capitalisme agraire ». Si des travailleurs kikuyus, se voyaient obligés d'émigrer, c'est parce que de nombreuses terres étaient conférées aux fermiers des Blancs ou bien à de travailleurs pauvres dans la ville de Nairobi. Ainsi les mécontentements se sont exacerbés entre ethnies (Kikuyus et Blancs), mais aussi entre une même ethnie (intra-Kikuyu). [...]
[...] Or la terre constituait la base du travail, des ressources et des revenus pour les Kikuyus. Ce problème d'occupation de la terre forme alors le terreau de la crispation du mécontentement kikuyu. Ce mécontentement, qui trouve son paroxysme dans l'insurrection mau-mau à proprement dite dans les années 1950, est davantage motivé, du moins originellement, par des problèmes d'ordres sociaux, économiques et culturels que par une volonté d'émancipation. Dès lors, il s'agit ici de se poser la question de savoir en quoi l'insurrection mau-mau, qui peut être assimilée à l'origine à une simple « révolte paysanne »[1] menée par les Kikuyus, s'est-elle transformée en une véritable lutte pour l'indépendance du Kenya ? [...]
[...] On estimait la population kikuyu à environ 500 000 individus en 1900, elle en comptait un million en 1948. Cette population vivait principalement du travail de la terre. Jomo Kenyatta disposait même que propriété foncière est la clef de voûte de mon peuple ». La terre (mbari) est considérée comme une unité de parenté. Dès lors, la colonisation entreprit l'imposition d'un système de propriété individuelle en faveur des colons britanniques et en dépit du système familial qui était en vigueur. L'administration coloniale britannique élaborait même des affiches de propagande touristique pour inviter les Blancs à venir s'installer au Kenya, comme le montre l'affiche du chemin de fer de l'Ouganda ci-contre. [...]
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