« Je ne veux pas être le roi de deux peuples » : cette assertion de Louis XVIII synthétise à elle seule les enjeux de la monarchie restaurée des Bourbons, qui regagnent finalement leur trône en 1814 puis en 1815 après les troubles successifs de la Révolution et de l'Empire. Humiliée sur le plan extérieur par ses défaites militaires, la France doit surtout se concentrer sur ses déchirures internes, aggravées par le drame national des Cent jours qui a vu la brève résurrection politique de Napoléon et l'éviction des Bourbons dans l'indifférence générale. S'opposent alors idéologiquement et parfois violemment défenseurs et pourfendeurs d'un retour intégral à l'Ancien Régime et à son modèle institutionnel pyramidal.(...)
Echec à court terme, beaucoup plus relatif à long terme, la Restauration échappe à la définition tant elle oscille entre des réalités politiques incompatibles. Que faut-il alors retenir de ses institutions ? En quoi celles-ci sont-elles révélatrices du mélange de conservatisme et de novation qui caractérise la période ?
[...] Théoriquement, le gouvernement n'a pas d'existence collective et n'est constitué que de conseillers privés venant éclairer la décision royale, d'où leur révocation inconditionnée par le souverain. Mais en pratique, il forme un ensemble collégial et solidaire sous l'autorité d'un premier ministre investi de la confiance du Roi. Responsable devant celui-ci, les ministres le sont aussi devant la Chambre des députés qui a le droit d'accuser les ministres et de les traduire devant les Chambres des Pairs, qui seule, a celui de juger (art de la Charte) Strictement d'ordre pénal selon les textes, cette responsabilité s'étend de sorte que la confiance parlementaire devient un critère déterminant dans la poursuite d'une politique. [...]
[...] Cette palette d'instruments précieux utilisés à bon escient plus par la Chambre des députés que par les Pairs aide les assemblées à démontrer leurs compétences ainsi que la rigueur de leur travail. C'est sans doute l'un des éléments les plus favorables à l'expression du régime parlementaire : la Chambre recrutée en 1815 dans le Corps législatif de l'Empereur se montre extrêmement pointilleuse dans sa charge de contrôle des actes gouvernementaux. Au-delà même du texte de la Charte, et pour pallier son incomplétude, les parlementaires créent de leur propre chef de nouveaux outils, à commencer par les questions aux ministres. [...]
[...] Car en réalité, l'exclusion de la majorité de la population n'a rien d'exceptionnel en 1815 (l'obsolescence de la carte électorale britannique anglaise le montre d'ailleurs). La Restauration inaugure un débat, mais un débat très cadré dans lequel le terme de républicain à lui seul suffit pour discréditer le parti qui oserait l'écrire sur ses étendards (le Journal des débats) La pratique pousse souvent les noyaux républicains à se rattacher au parti libéral (et donc à se revendiquer royalistes), quitte à dénaturer une partie de leurs thèses. [...]
[...] Le Code civil est prorogé, la Légion d'honneur, les préfets et les titres de noblesse d'Empire sont conservés de même. La Charte entretient un malaise dans ses rapports avec la mémoire, et ce probablement légitimement, comme l'ont montré plus tard les conséquences de l'institutionnalisation du souvenir napoléonien orchestrée par Louis Philippe. De 1814 à 1830, afficher des opinions républicaines ou bonapartistes est interdit, et le mythe de l'Empereur ne perdure guère que dans les campagnes, et en particulier chez les demis-soldes qui ont participé aux conquêtes. [...]
[...] Celui-ci est en effet à l'initiative des lois et dispose d'un pouvoir de dissolution. Louis XVIII régna entre ces deux extrêmes, tantôt conservant des caractéristiques d'Ancien régime, tantôt régulateur proche du système britannique. A l'inverse, Charles X a clairement voulu gouverner, volonté symbolisée par le faste de la cérémonie du sacre à Reims. Sa logique était bien moins celle de la représentation que de l'action, et cette attitude fut fatale au régime. Cependant, le déclin de la fonction royale est difficile à enrayer. [...]
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