La période de 1875 à 1958 est marquée en France par une longue domination des chambres en politique, au long des IIIe et IVe Républiques, entrecoupée d'une période d'autorité de l'exécutif qui gouverne par actes sous le régime de Vichy. Pour reprendre l'expression de Carré de Malberg concernant cette hégémonie parlementaire, "la IIIe République, en domestiquant l'exécutif, a donné naissance au régime d'assemblée ou parlementarisme absolu."
Il ne s'agit donc pas d'un régime parlementaire fonctionnel, puisqu'il y a confusion des pouvoirs au profit du Parlement, et assujettissement de l'exécutif qui devient par là même un organe instable. En effet, l'instabilité gouvernementale est chronique sous cette période : la durée de vie moyenne d'un gouvernement demeure de six à neuf mois.
Cent quatre gouvernements se succèdent en 70 ans de 1871 à 1940, puis vingt-quatre gouvernements durant les douze ans d'existence de la IVe République. Quels critères peuvent expliquer la persistance de l'instabilité gouvernementale en France de 1875 à 1958, et comment a-t-elle été un sujet de débat et de réforme ?
[...] Mac-Mahon dissout la chambre, mais les élections qui suivent soulignent la victoire des républicains. Forcé de constituer un ministère républicain, Mac-Mahon démissionne, et les chambres investissent Jules Grévy comme Président de la République. Ce dernier affirmant qu'il "n'entrera jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels", il inaugure la soumission de l'exécutif au législatif, par cette déclaration que l'on appelle la "Constitution" Grévy. Le droit de dissolution, tombé en discrédit, ne sera plus utilisé au cours de la IIIe République. [...]
[...] Si bien que les conditions pour que le Président du Conseil puisse la prononcer sont rarement réunies. Seul Faure en 1955 parviendra à dissoudre l'Assemblée. Le gouvernement, qui ne peut dissoudre la Chambre même si c'est en théorie une prérogative de l'exécutif, est en revanche fréquemment renversé par refus de confiance. En addition à ces origines constitutionnelles d'instabilité, on distingue des causes politiques à l'incapacité des ministères de se maintenir durablement. II/ Des conjonctures politiques défavorables à l'existence de majorités stables Si la soumission aux assemblées de l'exécutif pose problème pour la pérennité de celui-ci, c'est parce que la Chambre des Députés et le Sénat (IIIe) puis l'Assemblée nationale (IVe) ne connaissent que des majorités de coalitions fragiles et mouvantes. [...]
[...] La Constitution de 1946 avait été prévue pour un paysage politique tripartite; or deux partis majeurs passent dans l'opposition au régime: le PC et le RPF gaulliste, qui représentent tout de même le tiers de l'Assemblée! Cette double opposition fait obstacle à l'investiture des gouvernements (puisque le Président du Conseil ne peut être investi qu'à la majorité absolue des députés), et démultiplie les remises en cause de leur responsabilité. Sans mécanisme de rationalisation comme il en existe en Allemagne avec la défiance constructive, il est clair que l'instabilité gouvernementale est de mise. [...]
[...] Les modalités de la mise en cause de la responsabilité ministérielle ne sont pas clairement constitutionnalisées La cause immédiate de l'instabilité gouvernementale est l'absence de procédures particulières pour mettre en oeuvre la responsabilité politique du gouvernement. Les textes constitutionnels de 1875 sont muets sur certains points, notamment sur les moyens pratiques et l'étendue de la responsabilité du gouvernement devant la Chambre des Députés et le Sénat. Dès lors, deux mécanismes défont les gouvernements sous la IIIe République: l'interpellation individuelle, qui provoque un débat suivi de l'adoption ou non de l'ordre du jour, qui vaut confiance au gouvernement; et la très fréquente question de confiance. [...]
[...] La classe politique est véritablement coupée de la nation. L'instabilité gouvernementale, dont les causes sont nombreuses, semble ainsi profondément ancrée dans le fonctionnement des Républiques parlementaires françaises comme la IIIème et la IVème. Elle traduit et alimente les défaillances d'un système où le pouvoir des assemblées devient hégémonique, ce qui se traduit, dans un contexte de pluralisme, par un régime des partis où la représentation nationale est biaisée et la souveraineté aliénée. La rationalisation de la IVème République, et les essais de réforme comme la révision de 1954 qui supprime l'exigence de majorité absolue pour l'investiture échouent à faire cesser l'instabilité ministérielle persistante. [...]
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