Première Guerre mondiale, instabilité européenne, hégémonie allemande, Bismarck, bipolarisation de l'Europe
« La guerre représente la révolution allemande, un événement politique plus important que la Révolution française du siècle dernier. […] Il n'existe pas de diplomatie qui n'ait été balayée. Voici un monde nouveau. […] L'équilibre des forces a été entièrement détruit ». Ainsi le premier ministre britannique Benjamin Disraeli analyse-t-il la portée de l'unification allemande et ses conséquences pour l'ordre européen. Non seulement le traité de Francfort du 1er mai 1871 affaiblit durablement la France, l'amputant de l'Alsace-Lorraine, lui imposant de lourdes réparations financières, mais surtout il sanctionne la formation du Reich allemand autour de la Prusse. Désormais, c'est l'Allemagne, jusque là la victime des guerres européennes, qui s'impose comme le pays le plus puissant d'Europe : l'unification du centre de l'Europe autour de l'Allemagne modifie structurellement la géopolitique d'un continent sur lequel, jusque là, les périphéries avaient toujours exercé une pression. A cette modification formelle de la balance des puissances, s'ajoute une perturbation matérielle de l'équilibre européen. En effet, depuis la fin des guerres napoléoniennes, les relations internationales européennes avaient lieu dans le cadre du concert européen qui posait comme principe fondamental la participation de l'ensemble des puissances aux affaires européennes, évitant ainsi toute généralisation des conflits. Aussi, même vaincue, la France avait-elle pu siéger au congrès de Vienne de 1815. Au contraire, après 1870, Bismarck, craignant tout particulièrement le désir de revanche français, s'emploie à exclure la France du système international en l'isolant diplomatiquement.
[...] Remise en cause de la caste aristocratique des diplomates avec la démocratisation de la vie publique : perte de valeurs communes. Affirmation de solidarités transnationales – panslavisme, pangermanisme – transcendant les frontières étatiques et remettant en cause le principe de civilisation européenne. Exemple du chancelier Bethmann Hollweg évoquant devant le Reichstag en 1913 un conflit entre le Deutschum et le Slaventum. Rejet du rôle des grandes puissances. Analysé par Soutou : un courant radical rejette les Empires et le principe même du concert européen, celui de la satisfaction des revendications nationales [en fonction] de l'accord des grandes puissances. [...]
[...] (1905-1913) Dès lors, la paix semble plus fragile, la préserver plus difficile. Les dirigeants européens ne cherchent plus seulement à maintenir un équilibre défensif, mais se positionnent déjà dans une perspective de guerre possible. Déjà, à partir de 1898, la France, sous l'influence de son ministre des affaires étrangères Théophile Delcassé avait entamé une vaste entreprise diplomatique visant à isoler diplomatiquement l'Allemagne : resserrer les liens avec l'allié russe (accord du 9 août 1899 visant à donner une portée plus large à l'accord de 1894), dissocier l'Italie de la Triplice (accords politiques de juillet 1902) s'assurant de la neutralité italienne en cas de conflit, même provoqué, avec l'Allemagne), s'assurer de l'amitié avec la Grande-Bretagne (accord colonial d'avril 1904). [...]
[...] L'honnête courtier6 BISMARK, Otto de, « Discours au Reichstag le 19 février 1878 » (extraits), in HOTTINGER, Christlieb Gotthold (éd.), Dr. Hottinger's Volksblatt n°9, p : le second système bismarckien (1878-1885). Le premier système bismarckien avait vécu ; le Reich risquait à son tour l'encerclement, puisque la Russie ne pouvait s'estimer satisfaite de sa précédente alliance avec l'Allemagne et refuse dès octobre 1878 de reconduire l'alliance des Trois-Empereurs. En moins de quatre ans, Bismarck reconstruit un second système : après avoir choisi l'Autriche-Hongrie - traité austo-allemand du 7 octobre 1879 – Bismarck parvient à ramener la Russie, menacée d'isolement, puisqu'une alliance avec la France républicaine est exclue et que la Grande-Bretagne poursuit une politique résolument hostile aux ambitions russes concernant la dépouille de l'Empire ottoman. [...]
[...] LEMONNIER, Charles (dir.), revue Les Etats-Unis d'Europe, Berne, Ligue internationale de la paix et de la liberté (éd.), 1868-1939. STÜRMER, Michael, (éd.), Bismarck und die preussisch-deutsche Politik 1871-1890, Munich Ouvrages généraux : GIRAULT, René, Diplomatie européenne. Nations et impérialismes. 1871-1914, Paris, Armand Colin MILZA, Pierre, Les relations internationales de 1871 à 1914, Paris, Armand Colin SOUTOU, Georges-Henri, L'Europe de 1815 à nos jours, Paris, Puf Monographies et biographies : BLED, Jean-Paul, Bismarck, Paris, Perrin GROSSI, Verdiana, Le pacifisme européen. 1889-1914, Bruxelles, Bruyland KISSINGER Henry, Diplomatie, Paris, Fayard [1994], trad. [...]
[...] SOUTOU, Georges-Henri, « Le Concert européen, de Vienne à Locarno », in BERANGER, Jean, et SOUTOU, Georges-Henri (dir.), L'ordre européen du XVIème siècle au XXème siècle, Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne pp. 117-130. VENIER, Pascal, « La politique extérieure édouardienne et l'Entente cordiale », Relations internationales, n°117, printemps 2004, pp. 11-22. [...]
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