En 1848 est publiée dans le journal Le Charivari une caricature représentant les rois d'Europe à la dérive sur une mer démontée. Le « printemps des peuples » constitue en effet la première grande révolution de l'iconographie : les mêmes images circulent dans toute l'Europe, témoignant ainsi de l'avènement imminent d'une ère dans laquelle l'imprimé à grande échelle tient une place capitale. Plus d'un demi-siècle plus tard, en 1914, celui-ci fait désormais partie intégrante du paysage culturel. La perspective des grands bouleversements qui s'annoncent amène alors à s'interroger sur le nouveau tour pris par le rôle de l'imprimé à l'aube du XXe siècle, qui verra s'épanouir l'âge d'or de la censure et de la propagande.
Par le mot imprimé, il est possible d'entendre non seulement ce qui est écrit (journaux, livres, brochures…) mais également les images (suppléments illustrés, premières photographies…). Quant à la notion de modernisation sociale et politique, elle implique une idée de progrès, de transformation, dans les mentalités et les pratiques sociales comme dans la vie politique. Au XIXe siècle, modernisation va de pair avec des phénomènes tels que l'industrialisation, l'urbanisation, la sécularisation mais aussi la démocratisation.
Ainsi, s'il est admis que la « révolution de l'imprimé » est intimement liée aux profondes mutations que connaissent à cette période les sociétés occidentales, il est important de mettre en lumière la particularité selon laquelle l'essor spectaculaire de l'imprimé est à la fois permis par la modernisation sociale et politique en Europe et aux Etats-Unis, mais qu'il en est également un facteur décisif. C'est ce que nous nous proposerons d'étudier en considérant tout d'abord les conditions nécessaires à la naissance de l'imprimé moderne, puis les différentes formes qu'il a revêtues, avant de nous pencher sur ses conséquences en matière de modernisation sociale et politique.
[...] Les grands journaux permettent ainsi un véritable décloisonnement de l'espace menant à une homogénéisation des cultures. Le rôle de la publicité est primordial, car elle participe à l'homogénéisation croissante de la consommation, c'est-à-dire à la construction de marchés nationaux (Rapoport). De même, pour Martyn Lyons, la librairie devient ainsi un agent essentiel de l'homogénéisation culturelle [ Il s'agit là d'une étape déterminante de la constitution d'un espace national du livre (Le Triomphe du livre, une histoire sociologique de la lecture dans la France du XIXe siècle, Paris, Promodis Cercle de la Librairie, 1987). [...]
[...] Le nombre de journaux de province augmente lui aussi de manière significative : on passe de 172 titres en France en 1874 à 242 en 1914. Ainsi, le Liverpool Echo tire à plus de exemplaires en 1892, tandis qu'à Lyon et à Bordeaux naissent Le Progrès (1859) et La Petite Gironde (1872). Les prestigieux journaux politiques restent toutefois présents pour la France, on pourra nommer Le Temps ou Le Journal des Débats mais ils demeurent très élitaires et commencent à être concurrencés par des journaux politiques à plus grand tirage, comme par exemple La République française fondé par Gambetta en 1871 et qui tire à exemplaires en 1880. [...]
[...] Le lien entre l'âge d'or de l'imprimé et la construction et l'enracinement de la démocratie mérite d'être mis en lumière. Ce n'est pas un hasard si au moment de l'affaire Dreyfus, Zola choisit de s'exprimer dans l'Aurore. Somme toute, il semble utile de rappeler les paroles de Furet et Ozouf (Lire et écrire, l'alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris, Editions de Minuit, 1977) selon lesquels La modernisation, la modernité, c'est l'écriture En effet, à la fois fruit et cause de la modernisation sociale et politique des sociétés occidentales, l'imprimé permet de saisir le passage d'une société élitaire vers une société de consommation de masse reposant sur un marché national (Rapoport). [...]
[...] Le quotidien anglais The Times est le premier à en faire l'expérience en 1814 avec 1100 exemplaires par heure : en 1853, les rotatives lui permettent d'atteindre exemplaires par heure. Dès la seconde moitié du XIXe siècle, les techniques de composition se mécanisent avec la linotype puis la monotype au début du XXe siècle. La disparition du papier- chiffon au profit du papier fabriqué à partir de la pâte à bois fait chuter les prix de cette matière première de près de 45%. Ainsi, la production de papier, qui atteignait en Allemagne 2,3 quintaux en 1875, passe à 13,5 millions de quintaux en 1908. [...]
[...] L'imprimé, facteur de modernisation sociale et politique En 1848 est publiée dans le journal Le Charivari une caricature représentant les rois d'Europe à la dérive sur une mer démontée. Le printemps des peuples constitue en effet la première grande révolution de l'iconographie : les mêmes images circulent dans toute l'Europe, témoignant ainsi de l'avènement imminent d'une ère dans laquelle l'imprimé à grande échelle tient une place capitale. Plus d'un demi-siècle plus tard, en 1914, celui-ci fait désormais partie intégrante du paysage culturel. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture