Le journaliste Walter Bagehot qualifie le XIXème siècle dont il est contemporain de période de « construction des nations ». Si cette notion n'est en effet pas nouvelle elle n'est pas partagée pas tous de la même manière au début du siècle. Les élites bourgeoises françaises promues depuis 1789 s'en étaient emparées, réunies en assemblée nationale. Pour le « peuple » elle s'exprime avant tout dans l'idée de défense armée de la Nation donc par les guerres révolutionnaires etc. (cette dimension se retrouve notamment dans la création de la Garde nationale, la notion d'appel à la nation pour défendre le pays contre le complot des vieilles monarchies ou encore dans la Bataille de Valmy au cri de « Vive la Nation »). Il n'existe pas encore réellement de conscience nationale des masses telle qu'on peut l'entendre au sens d'unité culturelle, historique, politique… Les guerres napoléoniennes avaient encore renforcé cette dimension, en l'étendant hors des frontières françaises par réaction à l'expansion française qui s'était développée en partie chez les masses qui avaient voulu alors défendre leur propre nation. Si les masses avaient déjà été très partiellement initiées à la notion de Nation avant 1815, il leur restait donc à s'approprier plus largement l'idée d'unité nationale au XIXè siècle. La restauration de 1815 a plus marqué un coup d'arrêt qu'une accélération de cette tendance. En effet, cette appropriation du concept d'unité nationale chez les masses se révèlent d'autant plus difficile après 1815 que le Congrès de Vienne a pour but premier de reconstruire un nouvel ordre européen en ignorant totalement les embryons de conscience nationale qui étaient apparus tant chez les masses que chez les élites. Cette paix nouvelle enlève donc toute légitimité à l'idée de Nation puisque celle ci reposait principalement pour le peuple sur l'idée de défense de la Nation par les armes. Fixer l'année 1815 comme borne chronologique initiale du sujet c'est donc se demander comment l'idée de Nation a pu se développer chez les masses dans un contexte géopolitique où tout était fait pour les réprimer. Or en 1848, au printemps des peuples, c'est bien le peuple, donc les masses, qui s'empare de la Nation. Après 1848, le concept, l'idée même de Nation ne sera plus remise en cause, comme suffisamment intégré, ancré dans la conscience populaire.
Comment les masses des pays européens ont pu réussir à s'approprier et à construire un concept de nation, auquel elles avaient été partiellement sensibilisées à partir d'un contexte qui voulait étouffer ces aspirations, au point de créer un véritable mouvement révolutionnaire nationaliste européen en 1848. En d'autre terme, comment l'idée de Nation vient-elle aux masses de 1815 à 1848 ? Jusqu'à quel point sont-elles touchées par cette prise de conscience ?
[...] C'est pour répondre à cette nuance qu'est lancée une campagne d'alphabétisation européenne qui s'accompagne d'un véritable travail sur la langue originelle de chaque nation et des patois partout en Europe (on peut par exemple citer dans toutes les nations des écrivains, des philosophes qui mettent en place les règles des langues européennes telles que nous les connaissons comme Coraïs pour la Grèce) (Créer une langue nationale c'est donc créer un véritable vecteur d'expression commun qui servira à diffuser le socle commun de culture commune qu aura été apprise à l'école. (Les lois Guizot, en France, en 1833, sont un parfait exemple de cette volonté de permettre aux masses d'accéder à un socle de connaissance qui leur permettra de partager une culture minimum avec la bourgeoisie etc et de diffuser une langue nationale pour unifier la pays au détriment des langues régionales et de leur grande disparité. (Ces réformes expliquent donc que le XIXème siècle soit une époque qui voit progressivement baisser le taux d'analphabétisation. [...]
[...] Création spontanée ou construction artificielle d'un passé commun, d'une culture commune et de folklore nationaux dans les masses ? (On promeut d'abord un passé et une culture commune presque sacralisé : Cela passe par une forte revalorisation des traditions populaires et nationales, soit l'apparition d'une sorte de culte des traditions On ne s'intéresse plus à la culture de l' élite raffinée mais à celle de la masse, celle des chaumières rustiques ».La tendance est de partir à la Recherche du legs originel de nos ancêtres. On met l'accent sur la singularité des histoires nationales. [...]
[...] (De même l'impact fort de l'indépendance grecque, initiateur du mouvement philhellène en 1829a un impact aussi fort ou presque dans les élites que dans les masses qui voient se créer sous leurs yeux une véritable nation grecque, source de modèle. (L'impact fort des Trois Glorieuses est en partie responsable de l'indépendance belge par la suite puis des aspirations polonaises réprimées Or c'est deux aspirations nationales sont des aspirations populaires donc une intégration progressive de l'idée de nation, de la volonté de former une unité chez les masses. L'interdépendance des mouvements nationaux ne sont permises que par une diffusion rapide, écrite de ces idéaux nationaux. [...]
[...] Ce processus sera sans doute l'un de plus efficaces pour pénétrer toutes les couches populaires de la société puisque au contraire de l'élargissement du corps électoral qui ne concerne finalement que des personnes qui ont déjà une certaine conscience politique, le folklore ou les symboles touchent et unifient les couches les plus pauvres qui se reconnaissent dans cette culture. II. L'appropriation par les masses de leur culture et la naissance de leur conscience profonde de l'unité nationale : appropriation de l'idée nationale par le bas. L'idée de Nation se diffuse chez les masses européennes par influence réciproques. Chacune se nourrit des avancées des autres dans ce domaine. On observe donc tout d'abord une importante interdépendance des mouvements nationaux européens. [...]
[...] Transition : L'idée de nation ne s'impose donc pas de façon spontanée et aisée aux masses : elle est véhiculée, parfois imposée par les élites et par certains gouvernements. Si ce sont les élites qui étendent plus ou moins le suffrage universel elles le font en réponse à une expression plus ou moins affirmée d'une exigence populaire de rapprocher le pays réel du pays légal. La volonté d'unification est donc également une volonté populaire qui si elle s'exprime clairement au niveau politique, se retrouve également par la réappropriation, parfois artificielle, d'une culture populaire nationale. [...]
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