Loin d'être une invention du nazisme donc, l'idée d'un "homme nouveau" n'est même pas propre au nazisme, puisque c'est un concept qui est utilisé par tous les fascismes européens de l'entre-deux guerres, ainsi que par le communisme. Plus encore, cette notion est généralement associée au fascisme italien, Mussolini ayant été le premier à utiliser ce concept dans ses discours en 1917, mais ayant aussi le plus exploité ce concept dans sa propagande. La figure collective de l"homme nouveau" régénéré, un idéal-type dévoué au régime, moralement et physiquement irréprochable symboliserait alors plus généralement la société utopique de tous les totalitarismes. Un régime qui modèlerait la société pour créer "l'Un à partir du multiple" selon Hannah Arendt et éliminerait l'individualité pour créer l'être collectif
"L'homme nouveau" est-il au coeur du programme politique nazi ? En d'autres termes, la création d'un "homme nouveau" était-elle l'objectif premier du régime nazi et le but de toutes ses politiques ?
[...] Les premiers camps créent au printemps 1933 pour accueillir les opposants politiques vont peu à peu accueillir des catégories de populations de plus en plus variées : criminels de droit commun, homosexuels, tziganes, oisifs et tout "éléments décadents ou étrangers à la race" selon les mots de Hitler. L'ennemi éternel de la race aryenne étant évidemment les juifs, des mesures sont prises très tôt contre les Allemands d'origine juive. Les lois de Nüremberg du 15 septembre 1935 déchoient les juifs de leur citoyenneté allemande et interdisent les relations sexuelles entre juifs et non juifs. À partir de 1938 de nombreuses professions sont interdites aux juifs comme médecin ou avocat et ils sont obligés de porter l'étoile jaune à partir de 1941. [...]
[...] Hitler n'avait ni femme, ni enfants, et sa carrure ne faisait assurément pas l'affaire pour représenter une société refaite à neuve, musclée, productive, et insensible à la douleur. Le Führer, loin d'être une figure collective, était un homme d'exception, un messie, un intermédiaire entre la lumière et le peuple allemand. Doit-on en conclure que la figure de l'homme nouveau dans l'idéologie nazie ne mérite pas d'être prise au sérieux ? Nous allons voir ici qu'elle y avait sa place mais que celle-ci n'est pas évidente. En effet, l'idéologie nazie était fondée sur des présupposés qui faisaient obstacle au principe de l'homme nouveau. [...]
[...] On peut comparer à cet effet la temporalité nazie à la temporalité chrétienne. En effet, bien que le nazisme ait rejeté le christianisme, il a néanmoins entretenu avec lui une relation de "rivalité mimétique" selon le terme d'Eric Michaud. Le salut initial de l'homme nouveau s'obtient par la race, comme il s'obtient par le baptême chez les Chrétiens, mais ce salut doit être mérité tout le long de sa vie pour pouvoir s'accomplir en tant qu'homme nouveau, ou accéder à la vie éternelle dans la doctrine chrétienne. [...]
[...] En parallèle sont créés des établissements d'éducation nationale politique qui ne dépendent que du parti et forment les cadres futurs du parti. À l'Université la rigueur idéologique est de mise puisque ne peuvent y enseigner que des membres des organisations nazies, principalement en raison de la peur du régime nazi des intellectuels. Se développent de nouvelles matières telles la "physique aryenne" ou les "sections de guerre" ou l'on enseigne la chimie de guerre, l'économie de guerre . etc. qui contribuent à militariser la figure de l'être collectif nazi. [...]
[...] Un deuxième pilier fondamental du nazisme qui va à l'encontre de l'idée même "d'homme nouveau" est la valeur fondamentale donnée au passé par le nazisme. Cette dimension donnée au passé ne concerne pas seulement la promotion des valeurs traditionnelles comme la soumission à l'autorité, la valorisation de la famille, ou la mise en avant de la virilité masculine, mais aussi une admiration pour le passé historique. On peut donner en exemple la mise en avant de l'Antiquité grecque et romaine, mais aussi la valorisation d'un glorieux passé germanique qui représentait, à l'origine, un temps de la force, et de la pureté avant que la décadence ne fasse son oeuvre. [...]
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