Les événements qu'a connus l'Allemagne au cours du XXe siècle ont amené les historiens allemands à sans cesse revoir et interpréter sous un jour nouveau leur histoire. Sans doute plus que l'histoire de la France ou de tout autre pays de l'Europe, l'histoire de l'Allemagne a été l'objet de réinterprétations drastiques non seulement des événements tragiques du XXe siècle, mais aussi des périodes antérieures qui ont amené ces événements. Ces interprétations du passé de l'Allemagne sont elles-mêmes à inscrire dans des contextes particuliers. En fait, on peut lire dans l'historiographie de l'Allemagne les divers débats qui ont animé, voire déchiré la société allemande depuis la Première Guerre mondiale autour du sens et de la portée à donner aux événements traumatiques de son passé.
Nous considérerons successivement l'impact des défaites de 1918 et de 1945, de la révélation de l'Holocauste, de la guerre froide, de 1968 et enfin de la réunification sur l'historiographie allemande, cherchant à montrer les ruptures et les continuités dans la réflexion des historiens allemands jusqu'à nos jours.
[...] La réévaluation de l'histoire de la RDA a suscité le même genre de questions posées par l'histoire du nazisme : s'est-il agi dans les deux cas d'une guerre civile latente contre la population? Ou alors la population t-elle collaboré avec le pouvoir? Et qui était au pouvoir ? Une petite clique criminelle ou une bureaucratie autoritaire? Le fait de comparer deux régimes (nazisme et RDA) tend aussi à inscrire ces régimes dans la continuité : en Allemagne de l'Est, le conservatisme d'un régime affirmant mener une révolution prolétarienne n'a eu comme résultat que de conserver les structures et dispositions de la culture autoritaire du national- socialisme et prolonger ainsi le Sonderweg allemand. [...]
[...] La querelle aurait aussi été le lieu d'affrontement entre partisans d'une nouvelle fierté patriotique vs les tenants d'un patriotisme constitutionnel La réunification Après la réunification, l'ouverture des archives, l'intérêt du public pour les causes de la chute de la RDA, la priorité donnée à la recherche sur les nouveaux Länders, le déblocage de crédits de recherche amènent un renouveau, auquel ne participent pas les anciens spécialistes de la RDA, discrédités pour ne pas avoir pu prévoir les événements de 1989. Des laboratoires de recherche sur la RDA voient le jour. Des projets d'enquête sont financés. La commission d'enquête du Bundestag publie seize volumes consacrés à l'histoire et les conséquences de la dictature du SED La Fondation Volkswagen soutient la recherche sur la comparaison des deux dictatures allemandes du XXe siècle. Tout ceci fait en sorte de ramener dans le vocabulaire des chercheurs la terminologie de la dictature propre au modèle du totalitarisme comparant nazisme et stalinisme. [...]
[...] C'est la trilogie hollywoodienne L'Holocauste, qui sort en 1979, qui a en fait éveillé une nouvelle conscience historique, d'abord en se saisissant du débat public, puis en révélant que l'historiographie, aussi minutieuse avait-elle été, était passée à côté d'une chose essentielle : des représentations globales, une histoire sociale concrète. Ce débat suscita une réorientation en faveur de l'histoire du quotidien et de l'histoire orale qui ont le mérite de s'ouvrir à l'expérience des victimes, à l'histoire sociale des juifs et de la vie des communautés juives sous le Troisième Reich[5]. La Querelle des historiens La Querelle des historiens trouve son origine dans la suite que Nolte donnera à ses propres travaux. Pour Nolte, le nazisme est un antimarxisme, soit. [...]
[...] Entreprise de reconstruction historienne qui a notamment donné lieu au premier manuel d'histoire franco-allemand, mais aussi à de nombreuses recherches ? Oeuvrant au sein de ce qu'il est convenu maintenant d'appeler l'histoire croisée. Cette nouvelle vision de l'histoire, loin de dispenser les historiens allemands du devoir de faire la lumière sur le nazisme ou la RDA, tend néanmoins à déproblématiser nombre des contentieux qui, par le passé, ont opposé l'Allemagne à ses voisins. De semblables recherches sont d'ailleurs en cours, menées par des historiens allemands et polonais sur l'histoire croisée de leurs pays. [...]
[...] Ces historiens sont malgré tout méfiants vis-à- vis du nazisme, mouvement révolutionnaire. Ils sont plutôt en faveur d'une dictature conservatrice soutenue par la Reichswehr. Mais les premières victoires de Hitler les enthousiasmeront, notamment la reconquête de l'Alsace-Lorraine qui fera dire à Meinecke : Moi aussi, je ne peux que ressentir de la joie, de l'admiration et de la fierté. Et la reprise de Strasbourg! Comment ne pourrait-on pas être soulevé par l'émotion? Cette affinité plus ou moins distante des historiens au nazisme explique que la mise au pas (Gleichschaltung) en 1933 ne provoque pas beaucoup de changements, sinon le départ des historiens juifs[1]. [...]
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